Chaque 1er décembre, la Journée mondiale de lutte contre le sida met l’accent sur les luttes menées contre l’épidémie. Un temps fort qui mobilise associations, pouvoirs publics et professionnel·les de santé, au travers d’indispensables campagnes de sensibilisation.
Par Aimée Le Goff
Oui, le VIH reste en 2023 un problème majeur de santé publique mondiale. Découvert au début des années 80, le virus, responsable de la maladie du sida, continue d’être transmis dans les cinq continents du globe. D’après l’ONU, 39 millions de personnes vivaient avec le virus dans le monde en 2022. À l’été 2023, l’OMS (Organisation mondiale de santé) relevait par ailleurs que « certains pays signalent une tendance à la hausse des nouvelles infections, alors qu’elles étaient auparavant en baisse ».
La première publication mentionnant des cas de sida remonte à 1981, aux États-Unis. Cette année-là, aux Etats-Unis, le CDC ( Centre pour le contrôle et la prévention des maladies – Center for Disease Control and Prevention) signale une forme rare de pneumonie chez cinq jeunes personnes homosexuelles vivant en Californie. La première alerte est donnée. Sept ans plus tard, à l’occasion d’un Sommet international des ministres de la Santé sur les programmes de prévention de la maladie, la Journée mondiale de lutte contre le sida est instituée.
Mystérieuse pneumonie des années 80
En remontant le temps, force est de constater que le VIH et le sida ont longtemps été associés à de vilains stéréotypes. Réservée « aux personnes de mauvaise vie », baptisée « cancer gay », la maladie, d’abord apparue comme une mystérieuse pneumonie, est rebaptisée en anglais AIDS (Acquired immunodeficiency syndrome), et en français SIDA (Syndrome d’immunodéficience acquise) en 1983. Sur son site, l’Institut Pasteur dénonce toujours les idées reçues en soulignant que « le mode de transmission le plus important dans le monde entier se produit entre personnes hétérosexuelles ».
À partir de 1989, l’association Act Up Paris n’a de cesse de dénoncer l’inaction des pouvoirs publics et de la recherche pour lutter contre la maladie (ce que raconte le magnifique long-métrage 120 battements par minute, de Robin Campillo). D’autres mouvements suivront, comme la création en France, en 1994, de l’association Ensemble contre le Sida, devenue Sidaction, à l’origine de l’événement éponyme qui se tient chaque année au mois de mars. En 1996, l’ONU lance le programme commun ONUSIDA, qui compte la Journée du 1er décembre dans sa stratégie mondiale pour « réduire les inégalités à l’origine de l’épidémie ».
Faire reculer la sérophobie en entreprise
Ce même programme cartographie les pays imposant des restrictions de déplacement aux personnes séropositives. En 2010, l’administration Obama lève les restrictions d’accès au sol américain pour les personnes séropositives. En 2019, l’ONU enjoignait 48 pays à lever ces restrictions. Parmi eux, la Malaisie, l’Égypte, l’Iran, la Russie et la Jordanie déportent les « non nationaux » en raison de leur statut sérologique. La Tunisie, l’Ukraine, la République dominicaine, l’Indonésie et la Bosnie imposent quant à elles l’interdiction d’entrée, de séjour et de résidence en fonction du statut sérologique. L’Australie, le Kazakhstan et le Paraguay exigent par ailleurs des tests de dépistage ou des attestations de statut sérologique pour accéder à certains types de visas.
Dans le monde du travail, ces restrictions, qui renforcent la stigmatisation et limitent l’accès aux soins, sont à connaître pour éviter la mise en danger de collaborateur·ices lors d’éventuels déplacements. Pour faire reculer la sérophobie – notion renvoyant à la peur du virus et à la discrimination envers les personnes vivant avec le VIH – des actions complémentaires doivent être envisagées en entreprise : « établir un climat de confiance, c’est par exemple créer une cellule de parole, parce que les gens peuvent avoir peur d’en parler, d’être rétrogradés ou discriminés, indique Andréa Mestre, à la tête de l’association Mouvement contre la sérophobie. Cela peut aussi passer par des horaires aménagés en cas de besoins médicaux ».
Diagnostiquée séropositive en 2014, Andréa Mestre a traversé une période de dépression avant d’accepter pleinement son statut sérologique. Mariée, mère de deux enfants, elle officie comme militante et conférencière à temps plein. « Je ne me considère plus comme différente aujourd’hui ». Son association, née de sa prise de parole sur les réseaux sociaux fin 2020, réunit des groupes de soutien en ligne : « Il y a un gros besoin, observe-t-elle. Le but est d’amener les personnes séropositives à une prise en charge thérapeutique, et de faire de la sensibilisation pour réduire la peur du virus. Trop peu de personnes se font dépister ». À ce sujet, le monde du travail peut, là encore, avoir un rôle à jouer, en communiquant par exemple autant sur les opérations de don du sang que sur les nécessaires actions de dépistage. Des facilités de libération de temps peuvent, là aussi, être envisagées.
La jeunesse trop peu informée
S’il n’existe pas de médicament pour éliminer le VIH, un traitement rétroviral permet d’atténuer sa diffusion et de le rendre indétectable dans le sang, ce qui explique que des personnes peuvent être séropositives sans déclarer la maladie. Pour faire reculer l’épidémie, la sensibilisation auprès des plus jeunes reste prioritaire. Selon un sondage Ifop réalisé en 2022 « 31% des jeunes de 15 à 24 ans estiment être mal informés sur le VIH/sida, soit une augmentation alarmante de 20 points par rapport à 2009 », et « 27% considèrent qu’il existe des médicaments pour guérir du sida ».». Des résultats affligeants, qui démontrent l’absence nocive de réelle campagne d’État. En France, la dernière campagne nationale de ce genre remonte à 2006, et avait été menée, à l’époque, par l’association Aides. À l’échelle régionale, l’association Paris sans sida, la Ville de Paris et le département de Seine-Saint-Denis viennent de lancer une campagne de sensibilisation avec affichage public, prévue pour durer trois semaines.
Pour pallier le manque d’information auprès des jeunes, la Journée du 1er décembre est aussi l’occasion d’intervenir plus spécifiquement dans les établissements scolaires. À ce sujet, le ministère de l’Éducation nationale met à disposition différentes ressources pédagogiques en ligne. D’un point de vue scientifique, le 24e Congrès de la SFLS (Société Française de Lutte contre le Sida) se réunira à Tours du 6 au 8 décembre 2023. Des initiatives indispensables, comme le rappelle Andréa Mestre : « Sans connaissances ni dépistage, on peut encore mourir du sida en France ».