À 24 ans, Sénie est engagée dans un parcours de transition. Elle dit tout le bien que ce passage à l’acte lui apporte, mêlé au soutien sans faille rencontré chez Sephora, où elle officie depuis cinq ans. Il est question de bonheur au travail, et de libération.
Par Aimée Le Goff
La voix de Sénie est agréable à écouter. Elle laisse planer quelque chose de serein. Il faut dire qu’elle incarne le visage d’un épanouissement tout neuf. Actuellement en train d’effectuer sa transition, la jeune femme expose l’existence heureuse qui s’amorce devant elle : « j’attends beaucoup d’interventions avec impatience. Je vis encore des dysphories de genre, mais je suis en route vers le bien-être alors qu’avant, je me sentais complètement perdue. J’ai connu des moments très durs, mais je sais maintenant que je vais avoir l’avenir que j’ai toujours voulu, et que je peux voir loin ».
Voilà cinq ans qu’elle occupe un poste de conseillère de vente chez Sephora, entreprise qu’elle intègre après un BTS en négociation et relation client. « J’ai une grande passion pour le monde de la beauté et du make up qui, en plus d’être fun, permet de transmettre la confiance ». Un souvenir permet de dater plus précisément cet engouement : « une cousine qui aimait s’apprêter, et dont j’observais les gestes du haut de mes 16 ans ». En découvrant le maquillage, Sénie souhaite à son tour se sentir belle, confiante. « Bien avant ma transition, quand je me maquillais, je me projetais déjà en femme même si, bien sûr, c’est aussi accessible aux hommes ». Elle précise : « c’est puissant, le maquillage. Ça vous égaie une vie ».
Une renaissance, une fois la décision prise
À l’école puis au lycée, elle se sent marginalisée. « C’était une période qui n’avait rien à avoir avec l’époque actuelle, avec les séries où les personnages principaux sont LGBTQI+. Aujourd’hui le tabou est levé mais à l’époque, je n’avais pas accès à d’autres modèles d’inspiration que le mariage hétérosexuel, et tout ce qui en découle. J’ai connu des épisodes de dépression, je me posais beaucoup de questions sur mon existence ».
Comment dès lors cheminer vers la transition ? « Je me suis toujours projetée en tant que femme. Il y avait un décalage très marqué entre la réalité et ce que j’imaginais vivre ». Avant elle, une amie se lance dans un parcours de transition. « Elle a été un véritable exemple et m’a montré que c’était possible. J’ai pu voir quelqu’un franchir le pas concrètement. Ce n’était pas une personne fictive suivie sur les réseaux sociaux. En parallèle, je regardais des vidéos d’influenceuses transgenres qui parlaient ouvertement de leur transition. J’ai pu avoir de plus en plus d’avis et d’informations. C’est important de s’informer sinon, ce qui domine, c’est la peur ». Elle rappelle qu’il y a dix ans, les seuls reportages permettant de se renseigner sur la transidentité montraient exclusivement des « personnes marginalisées, ou pas totalement accomplies ».
Sephora, un lieu de sécurité et de réconfort
Avant la décision définitive de transitionner, Sénie alterne entre des périodes d’appréhension et de frustration. « La décision a été pour moi plus qu’une forme de libération. Ce qui est primordial, c’est d’être sur·e de son choix à 100%. Une fois qu’on est en accord avec soi-même, c’est une renaissance. La plus grande étape, c’est de se dire oui, ou non ».
En 2021, elle commence à se féminiser en utilisant perruques, maquillage et ongles longs, puis se recoupe les cheveux, pas totalement certaine de son choix. La décision définitive se fait en janvier 2022, sans en parler à l’entourage proche. « Je refoulais ma décision au début, confie-t-elle. J’en ai ensuite parlé aux membres de ma famille en qui j’avais entièrement confiance, donc tout s’est très bien passé. Les choses se sont un peu compliquées avec mes sœurs et notamment mon père, à qui j’ai annoncé la nouvelle quelques mois après le début de ma transition hormonale. Je n’ai pas été reniée, mais il m’a confié les peurs qu’il avait vis-à-vis de la violence que je pourrais éventuellement subir ».
Au travail, comme auprès de ses ami·es, il ne fait aucun doute que la transition sera bien prise en compte. « Quand j’étais adolescente puis étudiante, Sephora était pour moi un refuge, une seconde maison. Je m’y sentais à l’aise, je pouvais demander des conseils sans être jugée…Quand on est issu·e de la communauté LGBTQI+, le problème, c’est souvent les autres. On peut subir des agressions, de l’homophobie, de la transphobie. Chez Sephora, je me sentais en sécurité. J’ai toujours pu être moi-même ».
Investir sur l’avenir
Sénie peut donc compter sur l’ouverture d’esprit de l’équipe qui l’entoure. « Ici, on ne nous met pas dans des cases, raconte-t-elle. Je ne suis jamais venue la boule au ventre. Au début de ma transition sociale, on a tout de suite noté mon nouveau prénom sur les plannings, sur mon badge, etc. On m’a demandé par quel pronom m’appeler pour ne pas me mégenrer. Il y a eu une réelle considération. On m’a même proposé de changer de vestiaire. Ailleurs, tout se serait peut-être passé différemment ». Pour s’organiser à l’avance et faciliter la prise de rendez-vous médicaux, « assez prenants », un jour de repos fixe hebdomadaire lui est accordé. Sénie est aussi devenue, à son tour, une source d’inspiration pour sa clientèle, qui compte une personne en début de transition.
Elle se dit prête pour une nouvelle vie, en harmonie avec elle-même. Des projets professionnels s’esquissent, toujours chez Sephora : « j’aimerais intégrer un cursus proposé pour devenir Make up Expert. C’est un concours réservé aux personnes animées par le monde de la beauté, qui souhaitent développer leur côté artistique et ajouter une mission à leur fiche de poste. Il permet de bénéficier de formations, de participer aux événements organisés par Sephora, en magasin ou à l’extérieur… ». Grâce à sa transition, l’avenir semble désormais plus lumineux. « C’est simple. C’est la plus belle décision de ma vie ».