Appelée à devenir majoritaire au sein de la population active d’ici quelques années, la Génération Z, qui regroupe les personnes nées à partir de 1995, se distingue de ses prédécesseurs par un moindre attachement à l’entreprise. Une situation qui contraint les employeurs à se réinventer et à intégrer davantage les problématiques LBGTQI+, une part croissante des Z se revendiquant telle quelle.
Par Arnaud Lefevre
Passage de relais en vue sur le marché du travail. Selon diverses estimations, les personnes nées à partir de 1995 représenteront, d’ici 2025, la moitié de la population active au sein de nombreux pays, dont la France. Appartenant à la « Génération Z », celles-ci ne constituaient que 20 % des effectifs des entreprises en 2020, comme le soulignait Mazars dans son étude Future of Work : quelles attentes de la GenZ pour l’entreprise de demain. Si le cabinet parle d’« entreprise de demain », c’est parce que l’arrivée en force de ces jeunes salarié·e·s, qui succèdent aux Millenials (Génération Y), oblige les employeurs à se réinventer en profondeur pour attirer des talents d’une part, et les retenir d’autre part.
Une quête de flexibilité
Déjà, les Z manifestent un attrait plus marqué pour l’entrepreneuriat. Selon le sondage réalisé par Mazars dans le rapport précité, 61 % d’entre eux émettaient l’envie de créer leur entreprise, contre 50 % des Y. Plusieurs chasseurs de tête confirment que cette situation vient compliquer les processus de recrutement, une part significative des jeunes actifs approchés ayant aujourd’hui tendance à décliner les approches au motif qu’ils préfèrent se consacrer à un projet personnel. Surtout, cette génération se distingue par un rapport au monde du travail sensiblement différent de celui de ses prédécesseurs. « Lorsqu’elles et ils intègrent une entreprise, de nombreux Z ne le font pas avec l’idée première d’y effectuer toute leur carrière, mais avant tout parce qu’ils considèrent que le poste proposé va contribuer à leur épanouissement », témoigne Marion Gadot, responsable de la gestion des talents au sein du cabinet de recrutement Hays. Dans l’une des premières enquêtes consacrées à la génération Z, baptisée La Grande InvaZion, BNP Paribas et The Boson Project expliquaient dès 2015 que 84,5% de cette population choisissait son métier par passion plutôt que par raison.
Un constat partagé par Léopold Denis, co-fondateur de la société MoodWork qui met à disposition des entreprises des outils devant permettre à leurs salariés d’améliorer leur propre qualité de vie au travail (QVT). « Au sein des anciennes générations, la plupart des collaborateurs se sentaient investis d’une mission au sein de leur entreprise : la faire grandir. Ce faisant, ils lui restaient fidèles, quitte à se syndiquer pour obtenir des améliorations de leur QVT, voire à tomber en burn-out. Aujourd’hui, dès qu’un Z s’estime insatisfait de sa situation, son réflexe est de démissionner. » Ce moindre attachement à son entreprise s’exprime tout particulièrement au travers la recherche d’un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Le cas de Pauline l’illustre. Âgée de 21 ans et étudiante à Arras, elle prévoit de se mettre en quête de son premier emploi dès cet été, une fois sa licence de Langues Étrangères Appliquées obtenue. Si le salaire proposé sera un critère déterminant, il ne passera qu’après une autre exigence. « Je cours énormément et participe régulièrement à des compétitions d’athlétisme, des courses et des trails. Il sera important que mon futur employeur me permette notamment de poursuivre mes trois entraînements hebdomadaires. » En cela, la flexibilité des conditions de travail, à travers le télé-travail partiel ou total et l’aménagement des horaires, fait partie des contreparties devenues presque incontournables à proposer à un Z au cours d’un entretien d’embauche.
La quête de valeurs communes
Pour convaincre cette typologie de candidats, l’entreprise devra, en outre, être porteuse de valeurs que ces derniers jugent en adéquation avec les leurs. « Cette génération est particulièrement en quête de sens », observe Léopold Denis. Les multiples sondages et études sur le sujet corroborent ce point, à l’image du travail sociologique récemment publié par Monique Dagnaud, directrice de recherche émérite au CNRS. Étudiante à l’Université d’Artois en économie et gestion, Mathilde le confirme. « Je fais de l’humanitaire depuis plusieurs années et je n’envisage absolument pas que l’entreprise que je rejoindrai dans quelques mois ne partage pas des valeurs qui me sont chères, comme l’inclusion sociale et l’égalité femme/homme. » Outre ces valeurs, celles autour de la promotion et de l’intégration des personnes LGBTQI+ sont appelées à devenir de plus en plus prépondérantes, une part croissante des Z se revendiquant telle quelle. En février dernier, l’institut de sondage Gallup révélait en effet que 20,8 % des Américains nés après 1995 s’identifiaient comme LGBTQI+. Parmi les générations précédentes, la proportion n’était que de 10,5 % chez les Millenials (1981-1995), de 4,2 % chez les X (1965-1980) et de 2,6% chez les baby-boomers (1946-1964)…
Conscients de l’importance croissante que revêtent les politiques de diversité et d’inclusion pour les Z, les entreprises n’hésitent plus à jouer sur ce levier. « Au moment du recrutement, nous mettons l’accent sur nos valeurs (intégration des minorités, lutte contre discriminations…) et notre engagement associatif, explique Marion Gadot. Nous offrons également la possibilité à chacun de nos salariés, un jour dans l’année, de consacrer une journée de son temps de travail dans une association, dès lors que celle-ci véhicule des valeurs conformes aux nôtres. » De nombreuses initiatives fleurissent, à l’instar de la mise en place de réseaux Pride ou encore de référents Diversité & Inclusion.
Au delà du sujet LGBTQI +, les sujets Diversité et Inclusion qui n’étaient pas présents au sein de la génération X, ont été pensés par la génération Y et sont désormais portés et mis en lumière par la génération Z.
Si de telles initiatives s’avèrent de plus en plus nécessaires, gare, cependant, à l’effet boomerang. « Malheureusement, beaucoup d’entreprises se targuent aujourd’hui de promouvoir la diversité et l’inclusion mais, dans les faits, le décalage entre le discours et les actions est criant, regrette un spécialiste en D&I. Si la mise en avant de valeurs n’a qu’une visée marketing, alors cette stratégie se révélera contreproductive pour l’entreprise : les Z sont probablement moins dupes que leurs prédécesseurs ! », met en garde un consultant.