Par Chloé Consigny
Christelle Foucault est responsable des diversités et des engagements externes chez Sanofi. Présidente de la FSGL (Fédération Sportive LGBT+) entre 2010 et 2015, elle a également été conseillère auprès d’Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité femmes-hommes, la Diversité et de l’Égalité des chances.
Sandra Forgues est responsable du système d’information de DSI (entreprise adaptée et solidaire qui emploie une majorité de personnes en situation de handicap). Présidente du conseil d’administration du CREPS de Toulouse, elle est particulièrement engagée sur les sujets d’inclusion dans le sport. Champion olympique de Canoë en 1996, elle réalise sa transition quelques années plus tard.
Que recherchent les amateurs de sport lorsqu’ils choisissent de rejoindre un club affinitaire ?
Christelle Foucault : Il y a, à mon sens, plusieurs raisons. Tout d’abord, le milieu du sport est par essence sélectif et met à l’écart celles et ceux qui n’entrent pas dans une norme attendue. Le mouvement associatif sportif LGBTQI+ est né à partir d’une volonté simple : offrir un safe-space à toutes celles et tous ceux qui pensent ne pas avoir leur place dans une activité sportive. Les clubs LGBTQI + permettent de retrouver leur confiance. D’ailleurs, ils n’attirent pas exclusivement des personnes LGBTQI +. Il arrive souvent que des personnes victimes de grossophobie, des hétérosexuel·les ayant envie de pratiquer le sport autrement, rejoignent ces clubs. Ensuite, je constate que tous les sportifs et sportives ne sont pas impérativement en recherche de performance. Certain·es assistent à tous les entraînements, mais n’ont absolument aucune envie de faire de la compétition. Une fois la confiance retrouvée au sein d’un club affinitaire, certaines personnes choisissent de retourner dans un club “traditionnel” ; tandis que d’autres restent membres et pratiquent la compétition ailleurs. Finalement, dans le meilleur des mondes, si tous les clubs sportifs étaient inclusifs, alors les clubs affinitaires n’existeraient pas.
Quelle écoute des instances officielles pour les associations sportives LGBTQI+ ?
Christelle Foucault : C’est à l’occasion des Gay Games de Cologne en 2010 que nous sommes entrés en contact avec le ministère des Sport. Depuis cette date, les relations se sont intensifiées, le ministère ayant très rapidement pris conscience qu’il n’était pas le plus sachant sur les questions LGBTQI+. Aujourd’hui, je pense qu’il y a une réelle porosité entre les fédérations et le milieu associatif. Par exemple, jusqu’à très récemment, nous discutions exclusivement avec Fier Play pour la mise en place de la Pride House au JO de Paris 2024. Désormais, les réunions comprennent également des membres de Paris 2024. Par ailleurs, le financement de la Pride House est à la fois public et privé. Sanofi est partenaire et nous avons été contactés par le canal officiel de l’organisation des jeux. Paris 2024 a donc choisi d’ouvrir son carnet d’adresses afin de trouver des financements pour la Pride House, ce qui, à mon sens, constitue une réelle avancée. À titre de comparaison, en 2016, lors de l’euro de foot, c’est la FSGL qui, de son côté, avait mis en place une maison des Fiertés. L’impact avait été moins important.
Sandra Forgues : Il est exact de dire que le Comité international olympique souhaite visibiliser les athlètes LGBTQI + à l’occasion de Paris 2024, notamment en apportant son soutien à la création d’une Pride House.
Quid du sujet de la transidentité ?
Christelle Foucault : Le chemin est encore long. En Avril 2022 se tenait la première table ronde au sujet de la transidentité au sein du CNOSF, Comité national olympique et sportif français.
Sandra Forgues : Depuis quelques années, les personnes transgenres ne sont plus considérées par l’Organisation mondiale de la santé comme des malades mentaux. Cela a donné lieu à un élan positif d’explication et d’acceptation. Mais cela a été doublé par un retour de bâton, en provenance des États-Unis, avec la publication d’études à charge contre les athlètes féminines trans. Le monde du sport a vite été débordé et les fédérations ont massivement fait le choix de bannir les personnes trans des compétitions. En France, la fédération française de rugby a été la première à proposer des règlements. Sur le terrain, les effets positifs sont réels. Un groupe de travail est en passe de se monter avec le concours de l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) et en partenariat avec différentes fédérations afin de contrer ces premières études absolument aberrantes. Je fais partie de ce groupe de travail et nous réfléchissons à la manière d’intégrer les personnes transgenres et intersexes dans le sport, sans pour autant invisibiliser les femmes. Il reste néanmoins un bémol : pour faire des études sur des athlètes transgenres de haut niveau, il en faut. Si on leur interdit la compétition, alors il n’est pas possible de faire des études. À ma connaissance, aucun·e athlète trans ne sera présent·e aux JO 2024.
Quelles sont les règles pour concourir dans la catégorie femme ou la catégorie homme ?
Sandra Forgues : Il faut bien avoir à l’esprit qu’à l’origine, le sport ne concernait pas les femmes. Puis, les femmes ont commencé à pratiquer le sport à haut niveau et c’est à partir de ce moment-là qu’ont été créées des catégories. Pour définir une femme, le monde du sport réalise des tests hormonaux et des palpations gynécologiques. Les études réalisées à charge sur les athlètes trans ont créé un vent de panique. Les différentes fédérations ont banni les personnes transgenres des compétitions. Manquant d’arguments pour acter cette décision, et à défaut de pouvoir prouver une iniquité des performances sportives, les fédérations ont demandé aux femmes trans de prouver qu’elles n’étaient pas des hommes. Il s’agit d’une justice par défaut, sans charges préalables et dans laquelle il est nécessaire de prouver son innocence.
A-t-on pu mesurer la supériorité des femmes transgenres aux femmes cisgenres dans les compétitions professionnelles ?
Sandra Forgues : Le présupposé reste la supériorité de l’homme sur la femme. Ainsi, une femme trans sera toujours considérée comme supérieure à une femme cis, quand bien même la femme trans mesurerait 1m50 et la femme cis 1m90. La fille cisgenre aura ainsi toujours plus de mérite que la fille transgenre. Pourtant, les exemples ne manquent pas. À l’issue de ma transition, j’ai rejoint un club de hand-ball et j’étais loin d’être en position de supériorité au sein de l’équipe féminine. De même, Alexia Cerenys lorsqu’elle a repris le rugby a fait plusieurs comas. Une personne qui transitionne via une hormonothérapie et différentes opérations perd en capacité. Je constate que, dans le sport de haut niveau, les compétitions féminines arrivent toujours en deuxième position. Il y a un présupposé misogyne qui consiste à dire que seuls les hommes peuvent apporter le spectacle. Lutter pour l’intégration des femmes trans dans le sport de haut niveau revient à lutter pour visibiliser toutes les femmes dans le sport.
Voir ou revoir :
Webinar têtu·connect : l’invisibilité des personnes LGBTQI + dans le sport français.