Pride@BCG : retour sur la création d’un réseau LGBTQI +

Pride@BCG : retour sur la création d’un réseau LGBTQI +

Comment se construit un réseau d’entreprise Pride ? Après avoir intégré le cabinet de conseil BCG en tant que stagiaire, Thomas Delano gravit les échelons. Il est aujourd’hui Managing Director et Partner, mais également Lead du réseau Pride pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Amérique du Sud. 

Par Chloé Consigny 

Pour lui, la question de la visibilité s’est posée dès le premier jour. « C’était en 2012. J’étais stagiaire. Un soir, alors que je terminai une présentation avec ma manager, elle m’a dit : « nous avons terminé. Tu peux rentrer chez toi et retrouver ta copine ». J’ai pris mon courage de stagiaire à deux mains et j’ai répondu, « je n’ai pas de copine, j’ai un copain ». Je n’avais pas vraiment d’enjeux puisque j’étais stagiaire. Cependant, je n’avais pas l’énergie de m’enliser dans les mensonges ». S’en suit une discussion avec sa supérieure hiérarchique qui lui explique qu’il existe au sein du groupe BCG un réseau de collaborateurs LGBTQI+, appelé Pride@BCG. Reste que cet ERG n’existe pas en France. 

Manif pour tous

Un an plus tard, il est en poste et se lance dans la création du réseau France depuis le bureau de Paris. Le contexte est alors particulier. « En 2013, nous étions en pleine période du mariage pour tous. Nos bureaux sont situés à côté de l’Assemblée nationale. Peu de gens s’en souviennent, mais à l’époque il y avait « le mouvement des Veilleurs ». Chaque nuit, ces personnes se réunissaient pour manifester leur opposition à la loi ». Cette présence de la frange la plus extrême des antis ne l’empêche pas de créer le réseau en interne. « Il y avait une vraie volonté à l’interne d’adresser un message très fort à l’ensemble des salarié·es : les personnes LGBTQI + sont bienvenues. Ce message est le même à l’externe, notamment auprès de nos clients ».  

Parité sans allié·es

Au départ, le réseau se crée autour d’un petit noyau de cinq ou six personnes. Au fil des années, il s’étoffe et s’élargit aux zones EMEA et Amérique du Sud. Parmi les grandes fiertés de Thomas Delano : la parité. « Nous comptons autant de femmes que d’hommes au sein du réseau et c’est une grande fierté. En effet, dans la population générale, les femmes lesbiennes sont beaucoup plus invisibilisées que les hommes homosexuels. » Les personnes trans sont également représentées avec notamment des personnes qui ont réalisé leur transition en étant en poste. Singularité du réseau Pride@BCG : ne compter en son sein que des personnes LGBTQI + et pas d’allié·es. « Les allié·es sont nécessaires. Néanmoins, je reste convaincu que seule une personne qui a vécu de près ces sujets peut parler de coming-out ». Le réseau permet plusieurs niveaux d’adhésion, avec des membres confidentiels. Un statut qui permet notamment de ne pas outter les collaborateurs et collaboratrices qui opèrent depuis des pays à la législation répressive.  L’objet de l’ERG Pride@BCG est alors d’assurer la sécurité physique et psychique de ces personnes et de les accompagner. 

Magic Time 

Son engagement au sein de l’ERG lui prend de nombreuses heures en dehors de son travail. Il ironise : « c’est du magic time de consultant. Cependant, en tant que personnes LGBTQI+, lorsque nous en avons la possibilité, nous avons le devoir de faire bouger les lignes. Il existe encore trop de situations individuelles dramatiques ». Le cabinet de conseil alloue cependant des ressources via la réalisation de missions pro bono, à l’instar du baromètre Out@Work, dont le dernier révèle qu’en France, 80 % des personnes transgenres et non binaires sont invisibles sur leur lieu de travail. « On peut regarder les chiffres et se désespérer ou alors prendre son bâton de pèlerin et avancer. Je suis persuadé qu’il existe une différence entre répondre à un sondage et dire à un membre de sa famille ou à un·e collègue que l’on rejette ce qu’il ou elle est.»