Si vous êtes sur LinkedIn, vous n’avez pas pu manquer le Pride month. Durant tout le mois de juin, de nombreux grands groupes et PME ont revisité leurs logos aux couleurs de l’arc-en-ciel. Certaines entreprises sont sincères dans leur démarche et travaillent au quotidien pour que leurs salarié·es - peu importe leur identité de genre ou leur orientation sexuelle - puissent faire valoir leurs droits et s’épanouir. D’autres, plus opportunistes, utilisent le Pride month pour revendiquer des valeurs qu’elles ne partagent pas toujours.
Par Léa Taïeb
Quand commence l’intérêt des entreprises pour le Pride month?
Avant 2019, certains grands groupes américains, à l’instar de Salesforce, Google ou encore d’IBM, premiers à s’être emparés des sujets de diversité et d’inclusion, manifestaient leur soutien à la communauté LGBTQI+ au moment du Pride month. “Entre juin 2020 et juin 2021, dans le monde, nous avons observé sur notre plateforme une augmentation de 177 % du nombre de posts d’entreprises relatifs aux sujets LGBTQI+. Dans le même temps, nous avons constaté au cours de ces deux dernières années (entre avril 2020 et avril 2022), une augmentation de 350% des recherches sur LinkedIn concernant les sujets LGBTQI+ et de coming out au travail de la part de nos membres”, rapporte Lionel Pereira, responsable EMEA & Amérique Latine LinkedIn et membre du réseau Out@In.
Aujourd’hui, le mois des fiertés est devenu “un événement à ne pas manquer, un marronnier”, analyse Samuel Mabire, consultant en stratégie de marque et communication. Comment expliquer cela ? Avec la pénurie des talents, de plus en plus d’entreprises prennent conscience de leurs dysfonctionnements : certaines se remettent en question de façon systémique, d’autres travaillent simplement sur leur image. “Je n’ai jamais vu autant d’entreprises faire la promotion de leurs valeurs en faveur de la diversité et de l’inclusion”, assure Dorith Naon, influenceuse LinkedIn et ghostwriter. Et de prévenir : “ il ne faut pas croire tout ce qui est écrit”. Régulièrement, la jeune femme reçoit des messages de salarié·es LGBTQI+ qui témoignent de discriminations en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, et qui, pourtant, travaillent dans des entreprises qui se revendiquent LGBTQI+-friendly sur LinkedIn.
Pourquoi certaines entreprises pinkwashent sur LinkedIn ?
LinkedIn est le seul réseau social professionnel. Il s’agit d’un espace particulièrement efficace pour courtiser les talents de la génération Z, une génération beaucoup plus sensible aux questions d’inclusion et de diversité. “Dans certains secteurs, les entreprises peinent à recruter. Pour y remédier, elles misent sur leurs engagements, sur le témoignage de rôle modèles, davantage encore que sur le salaire et les avantages sociaux”, observe Dorith Naon. “Une entreprise dans laquelle la visibilité des personnes LGBTQI+ augmente est une entreprise qui permet d’attirer des talents plus diversifiés comme le démontre une enquête que nous avons récemment menée aux États-Unis auprès de 1 086 professionnels LGBTQI+. 75 % des personnes interrogées déclarent qu’il est important de travailler dans une entreprise où elles peuvent se sentir à l’aise et être complètement elles-mêmes au travail”, souligne Lionel Pereira de LinkedIn.
Pour celles qui ne s’engagent pas, le pinkwashing se présente comme une alternative. “En cinq minutes, elles changent la couleur de leur logo et laissent croire qu’elles sont queer-friendly”, décrit Laura Driancourt, co-fondatrice de Projet Adelphité, une agence de conseil en diversité et inclusion. Et de poursuivre : “les entreprises ont plus à gagner en mettant en avant des valeurs progressistes et non plus conservatrices, qu’elles soient sincères ou non”.
LinkedIn est aussi un espace pour capter du business quand on est une entreprise B2B (qui s’adresse à d’autres entreprises) : “les client·es peuvent aussi être sensibles à ces messages de tolérance à l’égard des personnes LGBTQI+”, remarque Samuel Mabire.
Que peut faire le réseau social professionnel pour lutter contre les différents pinkwashing ?
Aujourd’hui, LinkedIn n’est pas en capacité de vérifier toutes les informations qui sont publiées par ses membres. “C’est un réseau binaire : si tu respectes les conditions d’utilisation, tu restes, si ce n’est pas le cas, tu sors”, résume Dorith Naon.
Autrement dit, le réseau supprime les contenus discriminatoires mais ne s’engage pas à faire un travail de fact-checking.
LinkedIn peut encourager les entreprises à adopter des bonnes pratiques, à agir tout au long de l’année, à ne pas faire de ce mois une opportunité pour “percer”. “Le mois des fiertés doit faire partie d’un effort continu et permanent pour soutenir l’inclusion dans le monde du travail. Nous avons récemment publié un blog post à ce sujet, en donnant des clés sur les meilleures pratiques à adopter pour prendre la parole sur LinkedIn”, détaille Lionel Pereira de LinkedIn.
Quelle devrait être l’attitude idéale des entreprises qui ne sont pas encore tout à fait engagées dans une démarche d’inclusion ?
“Elles devraient profiter du Pride month pour faire une publication-bilan, pour déclarer : voilà, où on en est, voilà ce sur quoi on travaille, voilà les progrès que l’on espère faire dans les mois, années à venir”, estime Laura Driancourt. Et d’ajouter : “on attend des entreprises qui n’ont pas pris le sujet de l’inclusion au sérieux qu’elles assument leur retard, leurs erreurs et qu’elles rebondissent en proposant des mesures, des actions, des solutions”.
Comment faire pour distinguer les entreprises qui sont sincères de celles qui s’adonnent au pinkwashing ?
Ce sont les actions au quotidien qui changent la donne. Une entreprise qui exprime sa solidarité envers la communauté LGBTQI+ une fois par an n’est pas perçue comme sincère dans sa démarche. Dorith Naon suggère aussi de demander des comptes aux entreprises qui se manifestent pendant le Pride month : “en commentaire, on peut demander des exemples d’actions, des preuves concrètes”.
De plus en plus de membres LinkedIn expert·es en communication dénoncent ces tentatives de désinformation. C’est le cas de Laura Driancourt qui demande plus de transparence aux entreprises qui s’autoproclament “engagées”. Dans une des ses publications LinkedIn, elle les interpelle en posant plusieurs questions comme : Avez-vous mis en place un congé d’accueil de l’enfant et pas juste un congé paternité ? Est-ce vous avez une tolérance 0 envers les remarques homophobes ? Est-ce que vous organisez des sensibilisations tout au long de l’année ? “Les entreprises capables de répondre à ces questions sont celles qui travaillent vraiment pour une meilleure inclusion des personnes LGBTQIA+ en leur sein”, assure la co-fondatrice de Projet Adelphité.
Retrouvez le portrait de Dorith Naon, influenceuse LinkedIn