Au cœur du troisième arrondissement de Paris se niche le restaurant Le JOÜY. Aux commandes de cet établissement se trouvent Nicola Casties, 45 ans, et Thomas Cheviron, 31 ans. Les deux hommes sont ensembles à la vie comme à la ville et ont ouvert leur affaire en 2020.
Nicola Casties et Thomas Cheviron ont un établissement qu’ils qualifient de « bistrot moderne ». L’endroit est cosy et chaleureux : « C’est un restaurant qu’on a conçu comme une maison. Il y a un piano, une galerie d’art. La cuisine est faite maison avec des produits frais, une cuisine de grand-mère un peu revisitée avec des surprises aromatiques », décrit Nicola.
Et, depuis le lancement, les choses sont très claires, Nicola et Thomas ne cachent pas qu’ils sont un couple : « Après, comme c’est nous qui avons lancé notre affaire, tout le monde le sait depuis le début. Moi, j’ai toujours été out, même au travail, ça ne m’a jamais dérangé », pose d’emblée Thomas. Du côté de Nicola, le principe est le même, et d’ailleurs, même lorsqu’il tenait son précédent restaurant, le Volodia, à Montpellier, son homosexualité n’était pas dissimulée.
« Nous sommes dans un quartier inclusif »
Au cours de leurs précédentes expériences et pendant l’aventure du JOÜY les deux hommes indiquent n’avoir jamais été victimes de discrimination dans le cadre de leur travail, ni avec des clients, ni avec des fournisseurs. « Nous sommes à Paris, dans le troisième arrondissement, un quartier inclusif, donc ça se passe bien », songe Thomas. Il reprend : « Nous, on est maître chez nous. Il y a certainement des gens à qui ça ne plaît pas, mais personnellement, je n’ai jamais été victime de qui que ce soit. Mais c’est peut-être que selon la personne qui manage, les collègues ou l’équipe, ça peut être différent. »
En cherchant bien dans les affres de sa mémoire, Nicola trouve finalement bien un souvenir de discrimination advenue dans sa vie montpelliéraine : Un jour, il reçoit un appel téléphonique au restaurant. Là, un client lui déclare qu’il ne viendra pas manger dans son établissement car il estime que l’on mange très mal dans un restaurant gay. Ni une, ni deux, Nicola lui répond : « Vous faites bien de me le dire, parce que je n’ai pas encore eu de conversation avec mon restaurant, il n’a pas fait son coming out. J’en parle ce soir avec lui et je vois où il en est de sa sexualité. »
« On ne veut pas créer un lieu communautaire »
Au JOÜY, c’est Nicola qui est le chef cuisinier. Un domaine dont il parle avec beaucoup de passion, surtout lorsqu’il évoque les gnocchis de grand-mère Mano, un plat à la carte, concocté avec de l’eau de fleur d’oranger qu’il a nommé ainsi en hommage à son aïeule. Et qui figure désormais dans le Gault et Millau qui a récemment distingué le bistrot. Thomas, lui, se charge de toute la partie administrative.
Evidemment, Le JOÜY est un restaurant inclusif, avec le logo LGBT friendly indiqué sur Google. Pour autant, les deux hommes ne revendiquent pas non plus cet aspect là : « On ne l’affiche pas, ça ne nous dérange pas, mais on ne hisse pas non plus le drapeau. On ne veut pas créer un lieu communautaire. On veut un endroit pour tout le monde », justifie Thomas. Il ajoute : « On a une clientèle avec beaucoup de personnes LGBT de par nos amis et nos réseaux. Mais pas que ». Nicola complète : « Ce n’est pas comme dans un bar où si on y va pour draguer, on a besoin de savoir qu’on est en sécurité. Là, on est dans un restaurant, on y est pour manger avant tout. Donc notre objectif, c’est de nourrir les gens. Et on cuisine pour tout le monde. »
Nicola laisse passer quelques secondes avant de conclure sur cette question : « Un restaurant n’est pas gay, n’est pas LGBT. On est friendly, évidemment, parce que nous le sommes nous-mêmes. Il y a des restaurateurs qui ne sont pas gays mais qui sont aussi friendly que nous. Je crois que pour arriver à la normalisation, il faut passer par la normalité. ».
Une galerie d’art et des soirées piano
Le lieu a aussi une petite galerie d’art qui expose des artistes dont certains sont LGBT à l’image de la dernière exposition avec Marc Turlan et Adrien Pelletier. Un magnifique piano quart de queue trône, et certains soirs, amis et musiciens sont invités à faire jouer les touches noires et blanches de l’instrument que les propriétaires du JOÜY ont prénommé Serge.
Reste un dernier mystère : pourquoi avoir appelé le restaurant Le JOÜY ? C’est dans l’enfance de Nicola que se trouve la réponse : « Mes grands-parents avaient acheté, dans un village perché dans les hauteurs de l’arrière-pays languedocien, une ancienne école. Elle est devenue la maison de campagne de famille », la voix de Nicola se fait celle d’un conteur lorsqu’il raconte : « Et dans la chambre où je dormais, il y avait des scènes de banquet sur de la toile de jouy. Quand la lumière passait par les persiennes et que je tombais dans un demi-sommeil, les personnages du banquet s’animaient. Ça m’a introduit dans le monde de la bonne chair, de la fête et du recevoir », termine Nicola. Et comme un clin d’œil indispensable, de la toile de Jouy est évidemment présente sur certains murs de l’établissement de Nicola et Thomas.