Soucieuses que chacun(e) puisse accueillir sereinement l’arrivée d’un enfant, certaines ont négocié des dispositifs de congés plus inclusifs ou plus généreux que ce que prévoit le cadre légal.
Par Stéphanie Gatignol
Ce n’est pas du luxe et c’est une initiative rassurante pour de nombreux parents ! Le 1er juillet 2021, le congé de paternité est passé de 11 à 25 jours calendaires, en plus des trois jours de congés de naissance. Les mamans qui accouchent peuvent désormais s’appuyer sur la présence prolongée de leur chéri(e) pour assurer la ronde des biberons et chaque relayeur ou relayeuse profiter un peu plus longtemps de sa progéniture.
A sa création, en 2002, sous le gouvernement Jospin, ce nouveau droit était accordé aux seuls pères. Dix ans plus tard, rebaptisé « congé de paternité et d’accueil de l’enfant », il s’étendait à de nouveaux bénéficiaires. Le code du travail mentionne que « le conjoint salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle » peuvent en profiter. Les mères dites « sociales » dont l’enfant a été conçu par PMA entrent dans ce cadre. En revanche, quand deux hommes ont eu recours à la GPA, seul celui qui a donné ses gamètes y est éligible ; pas son conjoint ou concubin.
Celles qui prennent les devants
Poussant les murs de ce cadre légal, certaines entreprises réservent à leurs salariés des conditions plus avantageuses que ne le prévoient les textes. A l’image d’AVIVA dès 2017. La compagnie d’assurances accordait un « congé de parentalité » de 10 semaines rémunéré à 100 % au « deuxième » parent en cas de naissance ou d’adoption et, ce, quel que soit son genre ou son orientation sexuelle. Le congé de maternité, fixé à 20 semaines contre 16 obligatoires, y était, aussi, mieux-disant que la loi. Les raisons de cette démarche pionnière ? Une volonté de promouvoir l’égalité professionnelle, l’équilibre des temps de vie (perso/ pro) et l’inclusion de tous les collaborateurs. « L’arrivée d’un enfant perturbe la vie d’un foyer et, ce, quelle que soit sa structure familiale, qu’elle s’appuie sur un couple hétérosexuel ou homosexuel, estime Sylvie Chartier-Gueudet, directrice Inclusion et Bien-Etre au travail. Les études le montrent et les témoignages de nos collègues en attestent : il faut que les deux parents soient présents pour partager ce moment-là. »
Des trous dans la raquette
Chez L’Oréal, la durée du congé maternité est la même que chez Aviva. Et, en 2019, celle du « congé de paternité et co-parentalité » a été porté à six semaines. L’an dernier, c’est le groupe de luxe mondial Kering qui captait l’attention avec son « Congé Bébé » ou Baby Leave, un socle commun de 14 semaines pour tous ses collaborateurs (mères, pères, parents adoptants ou partenaires). En 2020 toujours, un congé rémunéré « d’accueil de l’enfant » de 30 jours entrait en vigueur chez Paribas, parallèlement aux congés de maternité et paternité. Caroline Courtin, responsable Diversité, Egalité et Inclusion, s’en explique. « En pratique, nous nous sommes aperçus qu’un certain nombre d’enfants arrivaient dans des familles où l’autorité parentale n’était pas immédiatement reconnue comme telle par la loi. Lorsqu’un couple hétérosexuel accueille un nourrisson né d’une GPA, par exemple, la femme n’obtient pas, d’emblée, le statut de mère et les parents ne peuvent pas tout de suite compter sur un congé long. Idem dans le cadre de certaines adoptions qui doivent en passer par un système transitoire de tutorat. A partir du moment où des situations n’étaient pas couvertes et ne permettaient pas d’accueillir un enfant dans les meilleures conditions, il nous semblait naturel de réfléchir à une formule complémentaire qui garantisse un minimum de jours. »
Que chacun soit bien accueilli
En choisissant d’offrir à tous leurs collaborateurs du temps avec leurs petits, certaines entreprises ont été taxées d’afficher de la complaisance vis-à-vis de la pratique de la GPA, illégale en France. Ces débats, Sylvie Chartier-Gueudet les entend, mais ils n’ébranlent pas ses convictions. « L’identité de genre et l’orientation sexuelle ne regardent pas l’employeur. Ce qui nous importe, c’est que chaque collaborateur soit bien. Parce que quelqu’un qui se sent bien dans sa peau et dans son entreprise est un salarié performant.» Caroline Courtin abonde dans ce sens. « Nous n’avons pas créé un cadre particulier pour la PMA ou la GPA, mais un dispositif universel qui réponde à toute situation d’accueil d’enfant. La façon dont un bébé est conçu n’est pas notre sujet. Ce dont nous voulions nous assurer, c’est que chaque foyer dispose a minima de 30 jours rémunérés pour s’en occuper. »
L’engagement, une arme de séduction
En jouant la carte « family-friendly », toutes ces entreprises répondent à des objectifs cumulés de confort au travail, de respect de la diversité et d’attractivité des talents. Lors du lancement du Baby Leave chez Kering, la DRH Béatrice Lazat déclarait vouloir en faire « un employeur de préférence ». Et les clients, eux aussi, peuvent se montrer sensibles à une politique inclusive. « Aujourd’hui, les consommateurs s’attachent aux conditions sociales réservées aux salariés », insiste Sylvie Chartier-Gueudet. Chez Aviva, entre novembre 2017 et avril 2021, 135 collaborateurs ont pris leur congé de parentalité, soit en moyenne 85 % des éligibles. En 2020, ce taux grimpait à 95 %, traduisant manifestement un besoin, même si des irréductibles s’en privent toujours. Chez AXA où 400 naissances sont survenues cette année-là, 86% des collaborateurs concernés ont utilisé leur « congé paternité et accueil ». Et ces pères ou co-parents pouvaient déjà tabler sur… 28 jours.
Sans vouloir gâcher la fête, force est de constater que la France est à la traîne malgré ses récents efforts. De l’autre côté des Pyrénées, notre voisin espagnol nous le rappelle cruellement avec ses quatre mois de parenthèse pour chacun des deux parents. Mais, face à ce retard, Sylvie Chartier-Gueudet reste philosophe. « L’essentiel, c’est de continuer à progresser. » Sur le terrain de l’inclusion, comme sur celui de la parentalité « qui doit avoir sa place dans la gestion des carrières des hommes et des femmes d’aujourd’hui.» Son espoir ? Que l’exemple d’Aviva « donne envie et encourage les entreprises à se poser les bonnes questions ! »