Plateformes affinitaires : combo gagnant candidats - entreprises

Plateformes affinitaires : combo gagnant candidats - entreprises

Elan, Autypik et désormais têtu·jobs… Pourquoi y a-t-il tant d’engouement autour des plateformes d'emplois affinitaires ? À l’ère du management de la singularité, ces nouveaux outils permettent un matching plus fin et pertinent entre candidats et recruteurs ! Enquête. 

Par Fabiola Dor

« Aujourd’hui, les entreprises ont bien compris qu’elles doivent s’adapter aux exigences et à la singularité des candidats pour les attirer et les fidéliser,” affirme d’emblée Mara Staub, fondatrice d’Autypik. Lancé en 2021, ce job board qui a fait de sa spécialité les profils neuroatypiques, souvent confrontés à des difficultés d’intégration, apporte une sécurité psychologique aux candidats, qui n’ont plus besoin de cacher leur identité. Autypik permet d’engager “des discussions sensibles que l’on ne pourrait pas avoir lors d’un entretien classique”, assure l’entrepreneure. 

La force de frappe a changé

Cette spécificité répond aussi aux nouvelles attentes des talents. Une grande majorité (81%) de la génération Z – les jeunes nés après 1995 – se dit prête à quitter son poste pour rejoindre une entreprise qui correspond à ses valeurs, selon une étude LinkedIn publiée en 2023.

Cette évolution du marché du travail pointe l’urgence pour les entreprises de revoir leur approche en matière de recrutement. Pour rappel, l’an dernier, 61 % des recrutements étaient jugés difficiles par les employeurs, d’après l’enquête “Besoins en main-d’œuvre” de France Travail. Cette situation s’explique par le nombre insuffisant de candidats et le déficit d’image des entreprises.

Face à cette complexité, Julien Chirat, chasseur de tête, souligne l’importance de capitaliser sur la force de la marque employeur : “Le marché étant tendu pour de nombreux postes et secteurs, la simple publication sur les job boards, souvent passive, n’est plus suffisante. C’est là que la chasse de profils et la valorisation de la marque employeur entrent en jeu,” analyse le recruteur.

Affiner les méthodes de recrutement 

Son constat rejoint celui de Laïza Marie, experte en ressources humaines, spécialisée dans le “retour au péyi” dans les territoires ultramarins, c’est-à-dire le retour d’hommes et de femmes originaires des Outre-mer dans leur région ou département après avoir fait une partie de leur carrière dans l’Hexagone ou un autre pays. “Avec la pénurie de talents, même la petite PME du BTP, qui n’a peut-être pas de RH en interne, est obligée de revoir ses méthodes de recrutement pour attirer des candidats”, indique-t-elle. Ambassadrice de Bonfilon, un job board spécialisé dans les territoires ultramarins et engagé en faveur de l’égalité des chances, elle invite les entreprises à prendre le train en marche en testant d’autres canaux ! 

Apprendre à s’adapter aux particularités

Lancée en avril 2024, la plateforme est un prolongement du média Ewag qui fait déjà un travail de sensibilisation et de marketing territorial auprès des entreprises locales. Cette expertise leur permet d’avoir les bonnes clés de lecture pour bien démystifier la complexité du tissu économique des Antilles, composé de PME et ETI avec une marque employeur peu développée. 

Concrètement, Bonfilon se positionne donc comme un partenaire de confiance pour rapprocher candidats et entreprises du bassin Outre-mer. À titre de comparaison, son modèle est similaire à celui de la plateforme têtu·jobs, associé au magazinz têtu, dédié à la communauté LGBT ou HugoJobs d’Hugo Décrypte, lié au média Élan, qui cible les jeunes talents.

“D’un côté, j’accompagne l’employeur à rédiger une offre d’emploi centrée sur les compétences, capable d’attirer un talent avec une quinzaine d’années d’expériences dans des groupes à Londres ou à Montréal”, explique Laïza Marie. De l’autre, elle simplifie également le processus pour les candidats : “Les profils expérimentés utilisent souvent un vocabulaire jargonneux. Mon rôle est de les aider à rendre leur CV plus accessible au marché local, pour ne pas effrayer un recruteur qui pourrait craindre de ne pas pouvoir les rémunérer à leur juste valeur”, précise l’experte. 

Élargir le sourcing

Joëlle Catheland, DRH de Fulll, un logiciel de paie, en est convaincue : une plateforme affinitaire va bien au-delà de la simple mise en relation. “À ma grande surprise, cela nous a permis de recruter des talents que nous n’aurions jamais rencontrés autrement”, s’enthousiasme la DRH. À l’origine, la collaboration avec Autypik s’inscrit dans une démarche RSE pour mieux intégrer les profils neuroatypiques déjà présents au sein de la start-up. Un an plus tard, cette initiative a favorisé la libération de la parole en interne sur d’autres troubles, “comme la dyslexie, le TDAH et les hauts potentiels”, assure Joëlle Catheland, satisfaite de cette progression. 

Faciliter l’accès à l’emploi des minorités 

Lesbienne et atteinte de troubles autistiques, Mara Staub, la fondatrice d’Autypik, souhaite surtout faciliter l’accès à l’emploi des profils neuroatypiques, qui sont quatre fois plus exposés au chômage. Par exemple, lorsqu’elle recherche un poste de graphiste, elle constate que les processus de recrutement manquent souvent d’informations et de détails. “On ne sait jamais avec qui ni combien de temps va durer l’entretien”, regrette-t-elle. Détailler la mission avec les premiers projets concrets et un agenda clair, c’est du pain béni pour des profils autistiques ! “Cela nous permet de mieux nous projeter dans le poste”, estime-t-elle. 

Eviter la stigmatisation 

Pas évident d’aborder les sujets “sensibles” sans les bonnes ressources. Adrien Gaubert, cofondateur de MyGwork, qui connecte les talents LGBT à des entreprises inclusives, peut en témoigner. Avant d’en faire son métier, lors de ses débuts au consulat de France en Chine en 2012, il a vite ressenti, le poids du silence des milieux feutrés. “J’avais peu d’espace pour parler de mon homosexualité et j’ai même été ‘bully’,” raconte-t-il en franglais. Avec MyGwork, tout le monde sait où il met les pieds”.  

Son frère, Pierre, cofondateur et expert en software, a également subi des discriminations. Lui s’est vu refuser une promotion dans une entreprise au Texas car, selon ses anciens managers, il n’était pas question de “promouvoir un gay”. En France, 53 % des salariés LGBT+ rapportent avoir été insultés, et 16 % dénoncent des discriminations liées à la rémunération ou au recrutement, selon le baromètre LGBT+ L’Autre Cercle x Ifop, publié en avril 2024.

Rejoindre une communauté 

Pour Adrien, la France reste timide sur ces sujets. En Angleterre, où il vit désormais, les entreprises ont cette approche depuis belle lurette. “Elles organisent des trainings pour former les alliés et créer des safe spaces”, compare le cofondateur de MyGwork, qui revendique plus de 5 000 candidatures et 1,2 million de talents accompagnés. En plus de l’accompagnement, lorsqu’une organisation rejoint la plateforme des frères Gaubert, elle intègre aussi une communauté d’alliés engagés et intersectionnelle, avec 55 % de femmes, 20 % de BAME (Black, Asian, and Minority Ethnic) et 2 % de personnes transgenres, qui se réunissent autour d’événements physiques et en ligne.