Pour les personnes LGBTQI+, la charge mentale ne s’arrête pas au moment des vacances. À travers le monde, il existe aujourd’hui 63 pays qui condamnent ou réprouvent l’homosexualité, tandis que la très grande majorité des endroits du globe ne reconnait pas la transidenté. Pour les personnes LGBTQI +, entreprendre un voyage professionnel ou des vacances dans ces pays nécessite une importante préparation. Bon nombre de personnes concernées choisissent souvent d’y renoncer.
Par Chloé Consigny
« Je suis originaire du Maroc. Pour les vacances, je me suis dit que c’était une bonne idée de faire découvrir ce pays à ma copine. Et puis, ensuite, j’ai réfléchi. Non. Ce n’est pas une bonne idée pour deux femmes lesbiennes de passer des vacances au Maroc », nous explique une jeune entrepreneuse dans le secteur de la Tech. Beaucoup de couples homosexuels ont un jour ou l’autre été confrontés à l’épineux problème du départ en voyage. Pour Clark Massad, Vice-Président de l’IGLTA – The International LGBTQ+ Travel Association -, pas question de black-lister des pays au prétexte que l’on est une personne LGBTQI +. « Pour ces personnes qui ont de la famille en Afrique du Nord, pour celles qui aimeraient découvrir les richesses culturelles de l’Asie, il n’est pas juste de se limiter dans ses déplacements au prétexte que l’on est une personne LGBTQI+. Le plus important est à mon sens de s’informer en amont et de prendre ses décisions en connaissance de cause ». Aujourd’hui, des sources d’informations existent. Le site Equaldex propose des cartes interactives qui permettent de distinguer les pays LGBTFriendly des pays qui criminalisent l’homosexualité et la transidentité. Une carte donne notamment à voir les pays où le mariage entre personnes du même sexe est légal. Ils sont au nombre de 57 seulement à travers le monde. Dans huit pays (Ouganda, Émirats arabes unis, Afghanistan, Brunei, Iran, Yémen, Mauritanie et Somalie), l’homosexualité est passible de la peine de mort.
L’épreuve du check-in
Le nombre de destinations accueillantes pour les personnes LGBT à travers le monde est donc particulièrement restreint. Même au sein des pays les plus avancés, les personnes LGBTQI+ peuvent expérimenter des discriminations ordinaires ; ces petites phrases qui, l’air de rien, sont homophobes et transphobes. Concrètement, tous les couples homosexuels ont expérimenté un jour ou l’autre des LGBTphobies en voyage. L’anecdote la plus partagée est sans conteste celle du check-in. À la réception d’un hôtel, un couple de même sexe se présente et se voit proposer des lits séparés. « Dans le meilleur des cas, la personne à la réception s’en sort avec un sourire gêné. Dans le pire des cas, cela peut aller jusqu’au refus d’hébergement de la part de l’hôtelier, voire dans les cas plus graves encore, un appel aux autorités », explique Clark Massad. Des situations qui rendent les séjours particulièrement désagréables pour les personnes LGBTQI + souhaitant profiter de leurs vacances. Beaucoup choisissent d’opter pour la tranquillité en réservant leur logement via Airbnb. Et encore, dans ce cas, ces personnes peuvent être confrontées à la désapprobation des propriétaires.
Safe space en milieux hostiles
Comment donc réserver sereinement un hébergement ? Pour Clark Massad, il faut être attentif aux signaux faibles de l’établissement au moment de la réservation. « Quelles sont les photos mises en avant sur le site ? Est-il possible de choisir le genre de son ou de sa conjoint·e ? Tous ces éléments sont des indications importantes à prendre en compte lors de la réservation ». Depuis quelques années, l’industrie du tourisme semble après pris conscience de ses représentations très hétéronormées et a entamé une réflexion autour de son accueil. Si tous les groupes ne sont pas concernés, les géants du secteur sont de plus en plus nombreux à mettre en place des sessions de sensibilisation à l’accueil de la clientèle LGBTQI+ auprès de ses équipes. Un changement particulièrement à l’œuvre chez les géants américains tels que Marriot ou Hilton. Outre-Atlantique, Disney propose des croisières et cible notamment dans son offre les familles homoparentales. La France progresse également avec un acteur tel qu’Accor qui s’emploie à sensibiliser ses équipes à l’accueil des personnes LGBTQI+ au sein de ses établissements. Pour aller encore plus loin, l’IGLTA a imaginé un programme de certification en 8 critères. Valable pour une année, il distingue non pas les groupes dans leur ensemble, mais chaque établissement pour ses qualités d’accueil et de non-discrimination des personnes LGBTQI+, à l’interne comme à l’externe.
Transidentité et séropositivité : redoubler de vigilance
Le problème se complique davantage encore pour les personnes transgenres et non binaires pouvant avoir des papiers d’identité ne correspondant pas à leur apparence. Et même lorsque la transition administrative a été réalisée, les difficultés persistent « Aux États-Unis, il est désormais possible d’utiliser l’indicateur de genre X sur les passeports. Néanmoins, cette indication n’est pas reconnue dans les autres pays. Quand une personne débarque aux douanes de l’aéroport avec ce type de passeport, cela peut poser des problèmes », constate Clark Massad. Selon Equaldex, seuls seize pays dans le monde reconnaissent aujourd’hui les identités non binaires et gender fluid. Enfin, pour les personnes séropositives, le voyage demeure un vrai casse-tête. Il existe actuellement 48 pays et territoires qui appliquent des restrictions incluant le dépistage obligatoire du VIH et sa divulgation, comme conditions aux visas d’entrée, de séjour, de travail et/ou d’études. Au-delà de la restriction, c’est l’accès au médicament qui peut poser problème. « Qu’arrive-t-il lorsqu’une personne perd ses médicaments en voyage ? Dans les pays fermés aux personnes séropositives, ces médicaments sont quasiment introuvables. Ce n’est pas du tout la même chose que pour une personne diabétique qui perdrait sa valise. Pour elle, accéder à son traitement sera beaucoup plus aisé », explique Clark Massad. Seule solution pour ces personnes, s’informer en amont du voyage afin de prémunir le risque.