Ce n’est un secret pour personne : les managers de proximité jouent un rôle essentiel dans le bien être de leurs équipes. D’après une étude Diversidays, ces derniers cultivent une certaine ambivalence. Si on les considère comme “solution” à la lutte contre les discriminations, ils peuvent, dans certains cas, être à l’origine de celles-ci. Les managers reçoivent-ils des formations obligatoires pour faire travailler ensemble toutes les diversités? Sont-ils sensibilisés à l'épanouissement de leurs équipes?
Par Léa Taïeb
Les managers incarnent la culture de l’entreprise, ils la portent et la transmettent. “En tant que responsables hiérarchiques, ils donnent une direction. Si le management le décide, il est possible de faire changer les mentalités, puisque s’impose alors une sous-culture avec ses propres règles”, explique Laëtitia Vitaud, autrice et conférencière sur l’inclusion dans le monde du travail. Si les responsables sont formés aux questions de D&I, il leur est possible de donner l’exemple, de lutter contre les discriminations, d’employer un vocabulaire non exclusif et de se comporter de façon vertueuse. “Si les managers ne s’engagent pas, alors ils peuvent produire des discriminations et influencer dans le mauvais sens leurs équipes”, poursuit l’autrice. C’est la raison pour laquelle, de plus en plus d’entreprises prennent le temps de former, de sensibiliser leurs managers à la lutte contre les stéréotypes (notamment ceux concernant les personnes LGBTQI+).
“Aujourd’hui, les managers doivent s’adapter à la généralisation du télétravail et doivent être capables de garantir l’inclusion de toutes et tous, même à distance”, observe Laëtitia Vitaud. Et d’ajouter : “ce sont les managers qui ont le plus souffert durant la pandémie : on leur demandait d’atteindre leurs objectifs tout en assurant le bien-être de leurs équipes”.
D’après l’étude Diversidays, les salarié·es attendent beaucoup de leurs managers directs. Ceux-ci se doivent, entre autres prérogatives, d’être garants du développement d’une culture inclusive.
Accompagner les managers dans la mise en place d’un environnement de travail inclusif
Reste que la mise en place de cette culture inclusive n’est pas innée au sein des équipes dirigeantes qui, comme tous et toutes, composent avec des biais souvent inconscients.“Les managers ne peuvent pas agir dans l’improvisation, il est nécessaire de leur imposer une méthode lors du recrutement, de leur faire prendre conscience de leurs biais cognitifs afin qu’ils puissent s’ouvrir à de nouveaux viviers de recrutement, notamment”, informe Laëtitia Vitaud.
Chez Axa, tous les managers reçoivent une heure de formation obligatoire en serious game sur la diversité depuis leur espace de formation virtuel. Cette formation leur rappelle ce qui est discriminatoire au regard de la loi, comment repérer une discrimination à partir de certains critères et quelles sont les bonnes pratiques pour inclure toutes les diversités (à travers des mises en situation). Les managers sont par la suite régulièrement invités à se former.
Les réseaux Pride très sollicités
Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises comme Ubisoft ou BNP Paribas, se dotent d’un réseau LGBTQI+ dans le but de sensibiliser leur groupe au sujet LGBTQI+ et de faire évoluer l’ensemble des comportements en commençant par ceux des managers. Chez Google, Pride (l’Employee resource group qui réunit les personnes LGBTQI+) est très souvent sollicité par les managers pour intervenir dans leurs équipes et organiser des actions de sensibilisation adaptées. Même chose chez Orange qui encourage les managers à mettre en place des formations pour mieux “comprendre la question LGBTQI+”. Pour ce faire, Mobilisnoo (le réseau associatif LGBTQI+ du groupe) a l’habitude d’accompagner les managers qui souhaitent instaurer un temps dédié au sujet LGBTQI+ dans le cadre d’une réunion d’équipe. Certaines structures comme Heineken France valorisent ce travail de sensibilisation en allouant un budget à leur ERG.
Sonder le ressenti des salariés
Depuis 2005, Google réalise un rapport annuel (interne à l’entreprise) sur la diversité et l’inclusion à l’échelle mondiale. Chaque année, le groupe dresse un état des lieux à partir du ressenti, des impressions de ses salarié·es et agit sur ce qui pose problème en prenant de nouveaux engagements. Le top management de Google, les responsables RH et le réseau LGBTQI+ Pride @Google, s’allient pour que les managers performent sur les questions d’inclusion.
Le groupe propose par ailleurs “it’s up to me”, un programme obligatoire, dédié à la diversité, l’équité et l’inclusion. Un dispositif qui permet de fixer des OKRs (objectives and key results) à chaque manager. Comment ça se passe concrètement ? “Une fois par trimestre environ, un manager organise un atelier avec son équipe pour identifier son propre objectif. Pour une équipe composée d’ingénieur·es, l’objectif peut porter sur l’ouverture des recrutements, pour une équipe de commerciaux, il s’agira par exemple de la façon dont il est possible d’adopter un langage inclusif”, développe Maureen Rousseau, DRH de Google France. Et d’ajouter : “Pour faire le point, tous les six mois, chaque collaborateur·ice évalue son manager, notamment sur le sujet de l’inclusion”.
Résultat : de plus en plus de managers adoptent une attitude sciemment inclusive à l’égard des personnes LGBTQI+ avec lesquelles ils travaillent. Ce qui explique pourquoi de plus en plus de collaborateur·ices se confient à leur manager et font coming out. Certains managers réaffirment leur soutien et leur engagement en faveur des droits des personnesLGBTQI+, en participant à la Marche des Fiertés