Il existe en France et dans le monde quelques rares entreprises qui proposent à leurs salarié·es un congé d’affirmation de genre. Un moment de repos à destination des personnes transgenres afin de leur permettre de se rétablir pendant et après une transition médicale. En quoi consiste le congé d’affirmation de genre ? Quelles sont les entreprises qui le proposent ? De quelle façon est-il mis en place ? Focus sur les bonnes pratiques.
Par Léa Taïeb
“Je suis arrivée chez IBM en 2009. Après des années de mal-être et d’insomnies, j’ai commencé à me poser la question de la transition de genre. L’environnement professionnel au sein d’IBM m’a permis d’engager cette démarche”, se souvient Ekaterina, aujourd’hui architecte infrastructure au sein de Kyndryl, société de services informatiques née en 2021 de la scission des services d’infrastructure d’IBM.
En 2016, elle annonce sa transidentité à son manager qui l’annonce à son propre manager. “Tout s’est très bien passé”, rapporte-t-elle. Le management informe également les équipes RH et Ekaterina prépare une note sur la façon dont elle envisage la suite. Elle a ensuite travaillé avec les équipes communication pour partager l’information sur sa nouvelle identité, “de façon à ce que toutes les parties soient respectées”. “J’ai pu maîtriser toute la communication autour de ma transition de genre”, précise-t-elle. Et de poursuivre : “Suite à la communication interne officielle, j’ai décidé d’en parler directement auprès des salarié·es et des client·es d’IBM”.
“En France, tous les congés maladies liés aux chirurgies (entre 15 jours et 2 mois) sont couverts par la sécurité sociale”, explique-t-elle. Ekaterina rappelle que cette couverture maladie était largement suffisante et qu’elle n’a pas eu besoin de demander un congé supplémentaire à son entreprise.
Un congé d’affirmation de genre de quatre semaines
Alors que la banque australienne ANZ propose un congé d’affirmation de genre de six semaines à ses salarié·es transgenres, de quelle façon les entreprises installées en France s’organisent-elles ? L’entreprise internationale Salesforce, après avoir échangé avec les membres de Outforce, le réseau LGBTQI+ interne du groupe, a également instauré un congé “pour affirmation de genre” de quatre semaines pour que les personnes en transition “puissent prendre le temps nécessaire pour se rétablir après un traitement médical pour affirmation de genre”, explique Patrice Taurel, directeur de la communication interne. L’entreprise s’engage à prendre en charge l’ensemble des frais médicaux liés à une transition et propose une prime de 500 dollars (soit l’équivalent de 479 euros) pour aider au renouvellement de la garde-robe de leur salarié·e.
Chez IBM, il n’existe pas pas à proprement parler de “congé de transition” mais, il existe un “framework d’accompagnement” : “nous accompagnons le processus de transition dans l’environnement professionnel”, précise Anne-Gaëlle Chasles, directrice IBM Financing et executive sponsor LGBT+. Et d’ajouter : “nos équipes RH, qui sont formées sur le sujet, accompagnent également l’entourage professionnel”. IBM organise une première réunion sans la personne en transition pour que les collaborateur·ices puissent poser toutes leurs questions. Les responsables RH sensibilisent sur les comportements à adopter, tels que, notamment,l’importance d’employer le nouveau prénom de leur collègue. “C’est essentiel que l’environnement professionnel d’une personne trans soit un pilier, un point d’ancrage. Surtout, quand dans la sphère privée, l’équilibre est bouleversé”, estime-t-elle.
Après les interventions chirurgicales, la plupart des personnes transgenres se retrouvent en congé pour quelques jours voire quelques semaines. “Si elles le souhaitent, elles peuvent bénéficier jusqu’à dix jours de congé exceptionnel sur la période de transition pour récupérer”, informe l’executive sponsor LGBT+.
Pour rappel, la plupart des entreprises qui proposent un congé sont des entreprises américaines (également installées en France). Aux États-Unis, le droit du travail ne peut en aucun cas être comparé au droit français. Aux États-Unis, les personnes transgenres ayant subi une ou plusieurs opérations ne bénéficient pas toujours de congés post-opération. En France, les congés après une intervention chirurgicale sont couverts par la sécurité sociale, donc s’imposent.
Comment la personne en transition de genre est-elle accompagnée par l’entreprise ?
Chaque année, IBM accompagne une quinzaine de personnes dans le monde tout au long de leur transition. Le réseau de responsables diversité et inclusion se réunit pour discuter d’éventuelles évolutions dans la prise en charge de la transition de genre.
En général, la personne en transition sollicite son manager direct. Les responsables RH et la personne chargée de la diversité et de l’inclusion se tiennent disponibles pour un rendez-vous et pour organiser le processus de transition. Si la personne concernée le souhaite, elle peut demander un accompagnement psychologique et administratif, par exemple si elle souhaite acter son changement d’état civil. “Nous suivons le rythme de nos salarié·es”, informe Anne-Gaëlle Chasles.
Comment aller plus loin ?
Salesforce accompagne ses salarié·es et leurs proches dans cette étape charnière à travers un service d’assistance psychologique. L’entreprise met également à disposition de ses employé·es LGBTQI+ une “warmline”, un service d’assistance téléphonique externe tenu par des personnes formées sur ces questions, accessible 48 heures après une demande sur l’intranet de Salesforce.
Chez IBM, le congé se présente comme une des manières d’accompagner une personne trans. Mais ce n’est pas la seule : “tout au long de l’année, nous formons nos collaborateur·ices à ces sujets. C’est ce qui explique pourquoi notre environnement de travail permet aux personnes trans de se sentir elles-mêmes”, estime Anne-Gaëlle Chasles.