Au-delà de la signature de chartes et de l’affichage de bonnes intentions, il existe de rares outils permettant d’accompagner les organisations dans leur stratégie D&I. Créé par l’État en 2008, le label Diversité de l’Afnor « vise à reconnaître l’engagement effectif, volontaire et durable d’un organisme pour prévenir les discriminations et promouvoir la diversité dans le cadre de la gestion de ses ressources humaines ». A date, une centaine d’organisations en sont détentrices.
Par Chloé Consigny
« Nous ne croyons pas aux chartes. Nous sommes davantage en faveur des labels qui permettent non seulement de dresser un audit précis de la situation, mais donnent surtout la mesure des progrès réalisés », nous confiaient récemment les équipes d’Isabelle Rome, Ministre en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, en marge d’un événement.
Sept domaines d’exigence
En France, le label Diversité existe depuis 2008. Créé avec les partenaires sociaux, il dépend de l’organisme de certification Afnor. Le label repose sur sept domaines : la réalisation d’un état des lieux et d’une analyse de risque, la définition et la mise en œuvre d’une politique de diversité, la mise en place d’un dispositif de signalement et d’écoute, la mise en place d’une communication interne, d’actions de sensibilisation et de formation ; la prise en compte des principes de diversité dans la gestion des ressources humaines et gouvernance de l’organisme, la mise en place d’une communication externe (clients, usagers, fournisseurs) et d’actions territoriales et enfin, la prise en compte et l’analyse des effets des actions pour en assurer l’amélioration continue. Un jury composé de trois collèges (État, organisations salariées et patronales et ANDRH – Association nationale des directeurs ressources humaines) délivre ensuite le label, valable pour une durée de quatre années, avec la réalisation d’un audit de suivi à mi-parcours.
Un réel investissement en interne
« A la différence d’une charte, un label est un engagement. Sa délivrance est l’objet d’un audit et d’un suivi précis des réalisations. La charte peut être un début permettant de s’orienter ensuite vers un label plus exigeant », analyse Alexandrine Yala, Cheffe de projet gamme « sociale » et « origine » au sein d’Afnor Certification. La durée de l’audit est fonction de la taille de l’organisation : deux jours pour une petite structure et jusqu’à une quinzaine de jours pour une plus grande entité. « Au-delà de l’investissement financier, l’obtention du label nécessite de mobiliser des ressources en interne. Il faut en premier lieu fournir la documentation permettant de répondre aux sept piliers. A cet audit initial s’ajoutent un audit de suivi ainsi qu’un audit de renouvellement. Cela requiert un véritable engagement de la part des équipes », explique Tanguy De Belair, directeur Inclusion et Diversité, VINCI Groupe. En cas de manquement grave, le label peut être suspendu. « Les labels n’ont pas vocation à sanctionner. Ils ont vocation à encourager les organisations à s’améliorer et à aller vers de meilleures pratiques. Il arrive que l’une ou l’autre commission demande au candidat de préciser certains points considérés insuffisants par rapport aux exigences du cahier des charges et de s’engager dans un projet précis », explique Violaine Trajan, en charge des relations institutionnelles, experte labels sociaux au sein d’AFNOR Certification.
Version revisitée en 2021
« En 2019, à l’occasion des dix ans du label diversité, nous avons acté avec les services de l’Etat, le principe de révision du cahier des charges. En effet, en dix années, la réglementation a évolué et de nouveaux enjeux sociétaux sont apparus. Par exemple, il est apparu essentiel de prendre en compte les nouvelles formes d’organisation du travail, de même que le rôle de l’IA dans les processus de recrutements, d’intégrer un volet inclusion… Des exigences ont été renforcées ou ajoutées notamment sur les thématiques LGBTQI+, la place de l’aidant familial ou encore les violences faites aux femmes qui apparaissent désormais dans le cahier des charges », explique Violaine Trajan. Le groupe de travail a duré deux années. En 2021, un nouveau cahier des charges voit le jour. « Sur les thématiques LGBTQI+, par exemple, le nouveau cahier des charges prend en compte les nouvelles formes de parentalité. Des efforts de sensibilisation au sexisme et aux discriminations LGBTQI + sont également demandés aux entreprises », poursuit Alexandrine Yala.
Une centaine d’organisations labellisées à date
A date, seule une centaine d’organisations sont détentrices du label. Pour moitié, celles-ci sont des organisations publiques. « En 2017, Emmanuel Macron déclare son quinquennat grande cause de l’égalité et incite tous les ministères à se doter du label Egalité et ou du label Diversité. C’est une des raisons qui explique que nous ayons pour moitié des organisations publiques détentrices de l’un ou des deux labels », analyse Violaine Trajan. Quid des entreprises du secteur privé ? Une cinquantaine d’entreprises seulement sont actuellement détentrices du label. Si l’investissement financier reste soutenable (le coût de l’audit se situe entre 4 000 et 20 000 euros selon sa durée), c’est souvent l’importance des ressources à mobiliser en interne qui pose problème. Les entreprises qui s’y engagent doivent le faire avec conviction. « La vertu cardinale du label, c’est qu’il aborde chaque entreprise comme une organisation en mouvement. La direction, les représentations du personnel, les hommes et les femmes qui travaillent sur les chantiers, tous vont dans le même sens, avec des objectifs clairement identifiés. Chez VINCI, la pratique consiste à labelliser entreprise par entreprise. Nous avons commencé dès l’apparition du label et nous sommes aujourd’hui dotés de neuf labels Diversité Afnor qui couvrent 13 entreprises », abonde Tanguy De Belair.
Des bénéfices à l’interne, comme à l’externe
Pour les entreprises labellisées, ce travail de fond permet d’engager des actions très concrètes. « En 2018, nous avons par exemple mené une enquête anonymisée auprès des collaborateurs et des collaboratrices de VINCI SA. Nous avons pu alors constater qu’il existait un inconfort, voire une véritable méconnaissance du sujet de la diversité de genre. Nous avons donc mis en place un plan de travail avec des sessions d’information et de sensibilisation à destination des équipes. Nous avons ensuite pu mesurer leurs effets », explique Tanguy De Belair. Au-delà de l’interne, la détention du label amène des avantages non négligeables à l’externe. Par exemple, pour une entreprise telle que VINCI qui travaille régulièrement avec des acteurs publics. « Nos donneurs d’ordre sont parfois labellisés, ce qui nous donne un référentiel commun. Par ailleurs, de nombreux appels d’offres font état d’exigences fortes en matière de Diversité et inclusion. La détention du label Diversité de l’Afnor nous donne un véritable avantage concurrentiel », conclut Tanguy De Belair.