Comment une application de rencontre présente dans 190 pays peut-elle garantir un climat inclusif pour ses recrues comme pour ses utilisateur·ices ? Leyla Guilany-Lyard, en charge de la communication de Tinder sur les cinq continents, livre ses réponses.
Par Isaline Blancharois
Vos services s’adressent à des personnes et populations très variées. Comment veillez-vous à ne laisser personne de côté ?
En France, nous sommes la première application de rencontre à avoir permis à nos membres de choisir parmi une multiplicité d’orientations sexuelles et d’identités de genre, en veillant à la diversité des pronoms à utiliser. Nous avons sollicité l’aide d’associations pour adopter les bons termes, nous travaillons régulièrement avec SOS Homophobie, Sidaction et avons également été sponsor de l’émission Drag Race France. Les personnes que nous ciblons en premier sont les jeunes de 18 à 25 ans, qui constituent la moitié de nos utilisateur·ices. L’an dernier, à l’occasion du mois des fiertés, nous avons créé le guide « My First Pride », un outil qui combine des informations sur les fonctionnalités qui peuvent intéresser les personnes nouvellement inscrites et qui voudraient rencontrer d’autres membres de leur communauté.
En interne, comment assurez-vous l’inclusion de tous·tes vos collaborateur·ices ?
Notre PDG est une femme (Faye Iosotaluno, ndlr) et notre leadership compte 70% de femmes. C’est très rare dans le secteur de la tech et cela nous aide à voir les corrélations entre les violences subies par les femmes et celles vécues par les personnes LGBTQI+. Nos directions rassemblent aussi des personnes de communautés très différentes. Cette diversité produit un effet de cascade au sein de nos équipes. Ensuite, les sujets d’inclusion n’appartiennent pas seulement au département D&I mais à tout le monde, même si nous avons bien sûr des directives. Nous suivons par ailleurs des formations personnalisées selon les régions du monde où nous travaillons. Cette façon de procéder permet aux employé·es d’être plus impliqué·es et d’avoir une meilleure compréhension de leurs biais. Un ERG (Employee Ressource Group) Pride a par ailleurs émergé en Europe. Je chapeaute de mon côté l’ERG « International Women@Tinder » depuis la France.
Qu’avez-vous instauré pour garantir la sécurité de vos utilisateur·ices LGBTQI+ ?
La fonctionnalité « Alerte Voyageur » est une notification qui informe nos membres LGBTQI+ lorsque le pays où iels se trouvent n’est pas safe. Cette alerte encourage à modifier ses informations de profil parce qu’on ne connaît pas toujours les risques encourus dans ces circonstances. Pour ce travail, nous nous rapprochons d’associations expertes telles que ILGA (International lesbian and gay association) et GLAAD (Gay & Lesbian Advocates & Defenders). Nous venons aussi de lancer la fonctionnalité « Share my date », un lien qui permet d’envoyer plus facilement le profil de la personne qu’on s’apprête à rencontrer, avec des informations sur le lieu et la date de la rencontre. Il est constamment actualisé et peut être partagé avec l’entourage, inscrit ou non sur l’application. Notre option de profil « incognito » permet aussi de naviguer sur l’application sans être vu·e des autres membres tant qu’on n’interagit pas. Tout ceci contribue à rendre l’expérience de l’application plus sereine. Nos résultats prouvent que nous allons dans la bonne direction : la communauté LGBTQI+ est celle qui croît le plus sur notre application.
Quels leviers d’actions restent à engager ?
La visibilisation LGBTQI+ doit s’accentuer dans tous les milieux, hors des grandes villes. C’est en ce sens que nous orientons nos messages d’inclusivité. Aux Etats-Unis, en Inde ou en Australie et partout ailleurs, nous cherchons à communiquer dans les régions où cette visibilité est réduite. Pour changer les mentalités, il faut un effort global, tout en étant pertinent localement.