Jaleh Bradea est directrice Inclusion et Égalité des Chances du groupe Vivendi. Elle est également journaliste, à la tête de l’émission Envie d’agir diffusée sur une chaîne du groupe Canal+. Chaque dimanche matin, elle s’emploie à rendre visibles les personnes qui s’engagent « afin que le monde tourne dans le bon sens ». Retour sur un parcours pas comme les autres.
Par Léa Taïeb et Chloé Consigny
Pouvez-vous nous expliquer la genèse de vos engagements ?
Mes engagements actuels sont intrinsèquement liés à mon histoire personnelle. Je suis née femme en Iran, un pays qui, malgré les progrès sous le régime du Shah, perpétuait les inégalités entre les femmes et les hommes. En 1979, la révolution iranienne bouleverse la société et mon quotidien d’enfant. À l’école, une frontière sépare les garçons des filles. En 1980, mes parents prennent la décision de partir. Nous arrivons en France : nous devons tout faire pour nous adapter, nous intégrer. Au lycée, des adolescents me prennent pour cible en raison de mes origines iraniennes, je vis ce que l’on appelle aujourd’hui une situation de harcèlement scolaire doublée de racisme. À 30 ans, j’éprouve le besoin de transformer ces épreuves en quelque chose de positif. Après un séjour en Iran, je reviens en France avec un désir : donner la parole à une pluralité de femmes, de cultures et d’expériences. C’est ainsi que l’émission Destins de Femmes (sur TV5 Monde) voit le jour.
En 2018, après une expérience au sein du groupe Canal+ en tant que directrice projets, vous rejoignez le département RSE de Vivendi. Peut-on faire bouger les lignes à l’intérieur d’une entreprise ?
Après un épisode de santé compliqué, je reviens au bureau avec l’envie de faire bouger les lignes. Après avoir interviewé des dizaines de femmes engagées, à mon tour d’être sur le terrain, d’agir en faveur d’un monde plus en phase avec les diversités de la société. En 2018, diversité et inclusion sont des valeurs qui se diffusent en interne comme dans la production de contenus des différents médias du groupe. Ainsi en 2019, Canal réaffirme ses engagements et lance la chaîne digitale Hello consacrée aux créations audiovisuelles LGBTQI+ européennes et internationales.A mon sens, l’entreprise est l’un des piliers qui, aux côtés des dirigeants politiques et des associations, peut faire bouger les choses. Nous passons une très grande partie de nos vies au travail. C’est un lieu où l’on peut apprendre des autres. Il en va du bien-être au travail, mais aussi de la performance de l’entreprise.
Quelles sont les actions spécifiques que vous menez en faveur de l’inclusion des personnes LGBTQI+ ?
J’ai souvenir d’une femme qui, au travail, parlait de son compagnon au lieu de sa compagne. Quand j’ai eu connaissance de cette situation, j’étais stupéfaite. Comment dans nos milieux parisiens et dans nos métiers de communications est-il possible de ne pas être libre d’être soi-même ? Une entreprise inclusive doit permettre à chacun et chacune d’être soi-même. Nous organisons régulièrement des sessions de sensibilisation pour lutter contre les violences et les discriminations LGBTphobes. Par ailleurs, je crois beaucoup à la puissance de la parole, du témoignage. Si davantage de rôles modèles LGBTQI+ s’expriment, d’autres employé·es pourront mieux comprendre ce que ces personnes traversent et remettre en question leurs normes, leurs biais.
En 2021, vous lancez Envie d’agir, une émission citoyenne. À travers ce programme, que cherchez-vous à transmettre, à montrer ?
Cette émission met en lumière toutes les personnes issues du milieu associatif ou de l’entrepreneuriat social et solidaire qui s’engagent avec conviction pour que le monde tourne dans le bon sens. Nous recevons des personnes engagées en faveur de l’inclusion. Je suis convaincue que l’émotion est un puissant vecteur de changement. D’où l’importance de proposer des contenus qui rendent visible les diversités. C’est ce que je m’emploie à faire au sein du groupe et dans mes émissions.