En 20 ans de carrière, Isabelle Boniface, experte en data-marketing, n’a jamais connu de discrimination en entreprise. Chez Sephora, elle loue la mobilisation constante qui se joue pour favoriser l’inclusion et la diversité. Rencontre.
Par Aimée Le Goff
Isabelle Boniface a le souci de l’exactitude. Notre rendez-vous est l’occasion pour elle de fouiller sa mémoire, de recomposer les dates et les souvenirs. D’emblée, notre interlocutrice, experte data chez Sephora, cherche la définition la plus adéquate pour parler de son poste. « Mon métier consiste à analyser les comportements de notre clientèle, notamment à partir des données récoltées via les cartes de fidélité, pour proposer ensuite l’offre la plus adaptée », expose-t-elle.
Ravie de travailler chez l’annonceur, Isabelle Boniface a fait ses armes dans différents cabinets de conseil. « J’avais envie d’aborder les choses en profondeur, de comprendre la chaîne de métiers d’une entreprise, tout ce qui fait tourner la machine ». Pourquoi Sephora ? « J’arrive à me projeter. Même si je n’utilise pas vraiment de produits cosmétiques, je vis comme tout le monde des expériences de consommation ».
De premières rencontres déterminantes
Mordue de statistiques, Isabelle est heureuse de ses choix d’études, de sa carrière, de la vie qu’elle s’est construite. Son intérêt pour la data l’oriente, à 19 ans, vers l’ENSAI, une école d’ingénieur·es en statistiques basée à Rennes. « J’y ai rencontré les premières personnes homosexuelles de mon entourage, raconte-t-elle. D’abord, un couple de filles, puis la deuxième année, un garçon ouvertement gay. Ces rencontres ont été une vraie révélation. C’est là que j’ai commencé à mettre des mots sur mon orientation sexuelle ». Cette période décisive bouleverse ses relations familiales. « J’ai grandi dans le milieu rural du sud-ouest, avec des parents très éloignés du sujet et aucune personne ouvertement homosexuelle dans mon entourage. Mon coming out a d’abord été mal reçu par mes parents. Sur ce sujet, ils ont dû faire leur propre chemin ».
Aucune mise à l’écart
S’il a fallu plusieurs années avant de retrouver une communication apaisée dans sa vie personnelle, Isabelle n’a jamais souhaité cacher son orientation affective en entreprise. « Ça a été tellement dur sur le plan personnel que je ne me suis jamais mis de barrières dans ma vie professionnelle. J’ai toujours ouvertement mentionné mon homosexualité, dès l’entretien d’embauche. C’est aussi une façon pour moi d’évaluer si l’employeur en question semble sûr ». Depuis son premier emploi, I’experte en analyse de données n’a jamais subi d’homophobie, ce qu’elle explique à la fois par le fait de vivre en région parisienne et d’évoluer dans un univers digital, « très jeune ». « Ce n’est pas dans ces secteurs que se concentrent les discriminations, observe-t-elle. Là où ma femme travaille, c’est autre chose. Nous sommes ensemble depuis 21 ans mais au bureau, quand elle parle de moi, elle m’appelle encore Olivier ».
Chez Sephora, une culture de la diversité authentique
Chez Sephora, où Isabelle Boniface travaille depuis trois ans et demi, il semblerait que les choses ont toujours été faciles. « Il y a une vraie valorisation de la diversité et des points de vue, peu importe l’orientation affective, les opinions ou l’origine ethnique des personnes employées, confie-t-elle. Cette politique, déjà très forte dans la culture de l’entreprise, s’est accélérée depuis environ six mois avec la création du réseau interne ERG Pride ». Lancé par plusieurs employé·es, officiellement inauguré en décembre 2022, ce groupe s’empare de thématiques sur lesquelles il souhaite faire bouger les lignes, à travers des actions destinées à tout le personnel, notamment lors de journées nationales. « Lors du Coming out day le 11 octobre, nous avons organisé un événement très intimiste avec la diffusion de témoignages vidéo. L’idée était de répondre à trois questions sur son coming out. J’ai eu envie de participer pour faire part de mon vécu positif ».
Un bon accueil de l’homoparentalité
Avec ce réseau, et l’équipe des ressources humaines, Isabelle souhaite mettre l’accent sur certains sujets, dont l’utilisation des pronoms, les méthodes de recrutement inclusif et les politiques d’accompagnement de toutes les parentalités. Mère de trois enfants dont deux jumeaux, elle confie, là encore, avoir toujours été bien accompagnée. « C’est ma femme qui a porté nos trois enfants. À chaque naissance, j’ai pu bénéficier d’un congé ‘‘paternité’’, doublé du fait que j’avais des jumeaux. Nous devons vraiment travailler sur ce sujet en entreprise ».
Pour plus d’inclusivité, Isabelle croit surtout aux générations futures. « Mes enfants n’ont jamais vécu de discrimination quant au fait qu’ils ont deux mamans. À l’école, je ne me suis jamais sentie différente des autres mères ». À ce sujet, lui vient à l’esprit la jolie phrase d’Oscar Wilde qui, selon elle, reflète justement la culture de son entreprise : « soyez vous-même, les autres sont déjà pris ».