Longtemps, les séjours touristiques ont été pensés à destination d’une norme hétérosexuelle. Le format du couple hétérosexuel avec ou sans enfants étant largement dominant dans les offres de séjour. Un schéma aujourd’hui questionné par différents professionnels du tourisme qui commencent à imaginer des offres plus inclusives. Un changement de paradigme profond mais qui ne peut concerner les 69 Etats dans le monde où l’homosexualité reste réprimée.
Par Léa Taïeb
”De façon générale, l’industrie commence à évoluer : les campagnes de communication se font plus inclusives et de plus en plus de formations sont dispensées aux collaborateurs et collaboratrices afin de les sensibiliser aux diversités”, constate John Tanzella, président et CEO de IGLTA – association internationale de promotion du tourisme LGBTQI+ – née en 1983 en Floride, aujourd’hui présente dans 80 pays. Mais ce n’est pas suffisant. IGLTA conseille aux entreprises du secteur de diversifier (et d’élargir) leur recrutement, de former leur équipes sur les questions d’orientations sexuelles et d’identités de genre et d’assurer le respect de leur politique de non-discrimination. “Si des personnes LGBTQI+ ne sont pas prêtes à faire partie de votre équipe, si les personnes présentes à la réception ne savent comment accueillir un·e client·e LGBTQI+, votre entreprise n’est pas en mesure de satisfaire une clientèle LGBTQI+”, prévient le président de IGLTA.
John Tanzella espère que dans les années à venir, la communauté LGBTQI+ gagnera en visibilité grâce au travail de pays et de marques engagés dans la lutte contre les discriminations et pour le respect des droits des diversités. “Mais avant d’en arriver là, IGLTA continuera à militer sur le terrain”, par exemple, en récompensant par une accréditation les hôtels exemplaires.
Afficher ses engagements et mettre l’accent sur l’information et la sensibilisation des équipes
En 2021, le groupe Accor, déjà engagé depuis plusieurs années dans la lutte contre les discriminations et la défense des droits des personnes LGBTQI+, a signé un partenariat international avec IGLTA. “Grâce à ce partenariat, nous montrons que nos hôtels sont ouverts à l’ensemble de nos client·es, peu importe leur identité de genre et/ou leur orientation sexuelle”, explique Anne-Sophie Beraud, directrice Diversité & Inclusion monde du groupe Accor.
Le groupe s’engage à former au maximum les personnes qui travaillent dans ses établissements à l’inclusion et à sortir de l’hétéronormativité : “Si un couple LGBTQI+ réserve une chambre avec un lit double, on ne doit pas lui proposer autre chose. La demande de changement de chambre doit venir du client”, assure Anne-Sophie Beraud.
Tous les trois mois, un comité LGBTQI+ composé de personnes travaillant aux quatre coins du monde se réunit pour partager des bonnes pratiques et s’inspirer de ce qui se fait de mieux ailleurs. “Même si tous les pays n’avancent pas à la même allure, ces sessions sont l’occasion d’échanger des idées, des façons de faire faciles à répliquer”, rapporte la responsable diversité et inclusion niveau monde du groupe. Dans les pays les moins avancés, le groupe intensifie ses sessions de sensibilisation aux biais inconscients, à la lutte contre les discriminations.
Dans certains pays, Accor communique sur ses valeurs inclusives. Par exemple, la campagne Ibis “We are open” a permis de montrer que “toutes les diversités sont les bienvenues”.
De son côté, Airbnb évolue dans son mode de fonctionnement pour lutter contre les préjugés et les discriminations. Par exemple, les photos de profils des voyageurs apparaissent après la confirmation d’une réservation.
La plateforme de réservation impose une politique stricte de non-discrimination à ses membres (les hôtes comme les invité·es) et leur demande de signer un document dans lequel iels s’engagent “à traiter avec le plus grand respect et sans jugement ou discrimination chaque membre de la communauté Airbnb”. “Si un voyageur pense avoir été victime de discrimination et en informe notre équipe, nous enquêtons et prenons des mesures appropriées (avertissement, suspension ou exclusion), et si cela se produit avant ou pendant un voyage, nous aidons immédiatement les voyageurs à réserver une autre annonce”, informe Victor Duchemin, responsable presse de l’entreprise.
Le groupe Club Med sensibilise l’ensemble de ses salarié·es à l’inclusion et accorde une attention toute particulière à la vie privée de ses client·es LGBTQI+. Il est demandé de ne pas photographier ou poster sur les réseaux sociaux des éléments qui pourraient outer des personnes LGBTQI+ ou qui pourraient révéler des informations sur leur vie privée.
Célébrer le mois des fiertés
Depuis plusieurs années, certains des hôtels du groupe Accor (Amsterdam, Berlin, Toronto, Sao Paulo…) célèbrent le Pride month en organisant et parrainant des événements LGBTQI+-friendly.
Pendant ce mois, Airbnb travaille main dans la main avec les villes qui célèbrent la Pride et ses habitant·es pour proposer des séjours et des expériences “qui célèbrent les fiertés dans le monde entier”.
69 Etats dans le monde répriment l’homosexualité
“Il existe environ 70 pays dans lesquels les relations LGBTQ+ sont encore interdites. Et, dans bien plus de pays, seules les grandes villes sont des soutiens pour la communauté LGBTQI+. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir avant que notre réseau puisse s’implanter dans le monde entier”, déplore John Tanzella, le président et CEO de IGLTA.
Et qu’en pensent les voyageurs LGBTQI+ ? Qu’en est-il de leur ressenti ? D’après une étude réalisée par Gay Times en 2022 auprès de 15 000 personnes LGBTQI+ du monde entier, deux tiers des répondant·es confient être préoccupé·es par leur identité LGBTQI+ pendant leur voyage.
Dans ce contexte, l’association conseille aux touristes LGBTQI+ de “faire leurs devoirs de façon à comprendre les lois et la culture du pays dans lequel iels se rendent”. Pour les accompagner dans leurs recherches, IGLTA met à disposition des guides de voyage sur les comportements à adopter pour “rester en sécurité”.