Inclusion LGBTQI+ : comment se mobiliser au travail ?

Inclusion LGBTQI+ : comment se mobiliser au travail ?

Échanges avec la direction, groupes d’entraide, actions individuelles puis collectives…Chacun·e peut agir à son échelle pour plus d’inclusivité dans son entreprise. Aperçu des initiatives menées pour faire bouger les lignes.

Par Aimée Le Goff 

Qu’importe sa position en entreprise, il est toujours possible d’agir pour plus d’équité. Quelles actions concrètes peut-on entreprendre en faveur d’un climat plus inclusif ? Groupes de discussions, ERG (Employee Ressource Group), témoignages, désignation de référent·es…Les exemples inspirants affluent.

Canal de communication dédié

Chez Adevinta, société mère du site Leboncoin, Guillaume Grillat participe à une mobilisation croissante depuis deux ans. Employé comme Tech community avocate (ambassadeur en charge des partenariats technologiques entre ses équipes et d’autres professionnel·les de la tech), il s’est découvert un rôle d’allié en parallèle de ses missions. Pour lui, les petites actions de sensibilisation ont « embarqué » son entreprise autant que la mobilisation collective. « Quelques personnes ont d’abord libéré la parole en créant un canal de communication interne sur notre plateforme Slack à destination de la communauté LGBTQI+ et de ses allié·es. Des espaces de prise de parole ont ensuite été créés via des petites conférences, avec des témoignages ». 

Le poids du collectif

Un autre temps fort est ensuite mis en place avec un « bingo drag queen » pour aborder ces sujets de façon utile mais divertissante. Le show est animé par la drag Minima Gesté chez Adevinta, Accor, Leroy Merlin… « Ces engagements se sont consolidés grâce au soutien de notre direction générale, que nous avions sollicitée. Les questions d’inclusion constituent désormais un sujet aussi important que les autres », affirme Guillaume Grillat.

Pour Joëlle Gouraud, Chargée de mission RSE dans une filiale du groupe BPCE (Banque populaire et Caisse d’Épargne) le meilleur moyen d’avoir un impact consiste à se rapprocher d’une association ou d’un ERG (Employee Ressource Group), qu’on soit allié·e ou LGBTQI+. Co-présidente de All Equals, association indépendante qu’elle a cofondée pour plus d’égalité au sein du groupe, elle a pu mettre les sujets d’inclusion au cœur des échanges avec sa direction. « Le collectif a toujours plus d’impact, estime-t-elle. À titre individuel, c’est plus compliqué d’avancer ». 

Communication incarnée

Pour Prune Houvion, Chargée de Projets Diversités, Équité & Inclusion de L’Oréal France, la garantie d’un climat inclusif doit passer par la diffusion de messages incarnés par des personnes concernées, en externe comme en interne. « Faire parler les personnes LGBTQI+ pour diffuser ces messages est primordial, expose-t-elle. C’était un gage de crédibilité et un critère pour moi lors de ma recherche d’emploi. Nous devons pouvoir communiquer en les faisant témoigner dans une logique d’intersectionnalité ». « Les témoignages sont plus utiles qu’un discours généraliste, appuie Joëlle Gouraud. Ils font tomber les idées reçues et rendent les sujets d’inclusion plus compréhensibles. Avant de créer All Equals, j’étais déjà out. Le fait d’être visible a pu encourager les plus jeunes à parler à leur tour ». Elle pointe une conséquence inattendue à sa prise de parole : des témoignages de parents d’enfants LGBTQI+ qui n’osaient pas en parler à leurs collègues. « C’est une autre sorte de coming out ».
Pour Prune Houvion, s’il n’existe pas de « recette miracle » pour changer les choses individuellement, des réflexes doivent rester en tête. « C’est important de jouer un rôle de ‘‘témoin actif’’ sans jamais hésiter à stopper les réflexions inappropriées ou offensantes. Il faut bien sûr veiller à ne jamais pousser au coming out, se tourner si besoin vers la direction D&I ou vers les référents des ressources humaines, personnes formées sur ces sujets, en se rappelant que tout ceci est défini par un cadre légal ». Elle tient à nuancer : « un·e salarié·e n’a jamais l’obligation individuelle de porter la charge de transformer toute l’entreprise. Cette mission appartient aux Ressources humaines ».

Apprendre de ses pairs

S’inspirer de ce qui existe ailleurs est un autre bon moyen pour agir à son tour. Revenu des États-Unis en 2019, un collaborateur de L’Oréal a eu l’idée d’initier à son retour en France un ERG pour créer un réseau de salarié·es dédié aux questions de diversité et d’inclusion. « Ces espaces permettent à celles et ceux qui en ont besoin de s’exprimer et de respirer, commente Prune Houvion. Ils brisent l’isolement et la solitude ».

Chez Adevinta, un ERG a été créé en 2023 après avoir consulté d’autres entreprises engagées. « Il y a eu une organisation sur le terrain, raconte Guillaume Grillat, qui s’est investi pour obtenir un soutien financier de la direction. Plusieurs salarié·es se sont regroupés, deux personnes ont fait office de catalyseurs de ce réseau. L’ERG est aujourd’hui affilié à la stratégie DEI (Diversité, Équité, Inclusion) d’Adevinta. Ce n’est plus seulement un groupe de collaborateur·ices qui agissent dans leur coin ». Il poursuit : « Mon métier consiste à aider nos équipes tech à apprendre de leurs pairs. Il m’a semblé naturel d’adopter ce schéma collaboratif pour aider à faire émerger une communauté interne, et des connections avec des communautés tech externes, par exemple à travers le meetup QueerJS, que nous avons récemment hébergé et qui donne la parole à des interlocuteur·ices de la communauté ».

Une sensibilisation à poursuivre

Guillaume Grillat observe de premiers résultats. Une troisième mention de civilité « non spécifiée » vient d’être ajoutée sur la page de profil du Boncoin. En interne, « il commence à y avoir plus de coming out, sans crainte. Tout se fait plus naturellement, avec davantage de prises de parole. Le premier résultat, c’est que nous avons créé une culture de l’inclusion qu’il nous faudra préserver ». 

Que reste-t-il à faire ? « Continuer à sensibiliser, affirme Joëlle Gouraud. Nous observons des changements ces dernières années mais non, le plus gros du travail n’est pas derrière nous. Dans certaines entités, le sujet LGBTQI+ reste tabou. Nous avons par exemple beaucoup à faire pour obtenir des congés parentaux égaux pour tous·tes. Et nous connaissons trop peu de dirigeant·es out ou de femmes dirigeantes out et visibles ».