Sébastien Vienot est Support Engineer Manager chez Microsoft France. Il a intégré le groupe en l’an 2000 alors qu’il était jeune ingénieur, tout juste âgé de 23 ans. Durant des années, il est resté silencieux quant à sa vie personnelle, préférant parler de « sa compagne » au lieu de « son compagnon ». Ce n’est que dix-huit années après son entrée dans le groupe qu’il a choisi de révéler son homosexualité à ses collègues et à son supérieur. Le déclic ? Une conférence interne à l’entreprise au cours de laquelle, et pour la toute première fois, la parole s’est libérée. Pour Têtu Connect, il revient sur son histoire.
Par Chloé Consigny
Comment s’est passée votre intégration au sein du groupe Microsoft France ?
J’ai rejoint Microsoft France en septembre 2000. J’avais alors 23 ans et je n’avais pas fait mon coming-out, ni auprès de mes amis, ni auprès de ma famille. Il n’était donc pas question de commencer par un coming-out en entreprise. Ce n’est que trois ans plus tard que j’en ai parlé à ma famille et à mes amis. Le sujet de l’entreprise était en revanche bien plus délicat. En effet, il faut bien avoir à l’esprit qu’à l’époque, les sujets de diversité et d’inclusion n’étaient absolument pas à l’ordre du jour en entreprise ! J’étais ingénieur support et j’étais très régulièrement en contact avec les clients. A la machine à café, les blagues homophones étaient fréquentes. Ces paroles du quotidien ne participaient à un climat favorable à une parole libérée…
Combien de temps a duré votre silence ?
Au total : 18 ans ! Plus le temps passait et plus je trouvais délicat de parler de ma situation personnelle. J’avais peur que cela puisse impacter mon évolution au sein de l’entreprise. J’ai donc mis en place de véritables stratégies : à titre d’exemple, j’avais deux comptes sur les réseaux sociaux. L’un était pour ma famille et mes amis, l’autre pour mes collègues. J’ai totalement cloisonné vie professionnelle et vie personnelle. En revanche, tout ce que je racontais à mes collègues était vrai : je remplaçais simplement « il » par « elle », en parlant de « ma compagne ». Au fil des années, j’ai gagné en responsabilité et des craintes supplémentaires sont apparues lorsque je suis devenu manager. J’étais à la tête d’une équipe composée d’hommes, je me demandais alors sans cesse : que va penser mon équipe si je dis que je suis gay ? La situation s’est compliquée davantage encore lorsque j’ai du manager une équipe internationale, composée de personnes vivant dans des pays où l’homosexualité est pénalement réprimée, à l’instar du Moyen-Orient ou de certains pays de l’Est. C’est devenu pour moi un frein supplémentaire.
« A la machine à café, les blagues homophones étaient fréquentes. Ces paroles du quotidien ne participaient à un climat favorable à une parole libérée… »
Quel a été lé déclic ?
L’arrivée de Gleam (Global LGBTQI + Employees and Allies at Microsoft) en France a été le véritable déclencheur. Lors d’une plénière, c’est-à-dire une présentation interne à Microsoft France et réunissant près de 1500 collaborateurs du groupe, j’ai pour la toute première fois entendu les mots « gay », « lesbienne », « trans » et « LGBT ». Je me suis alors dit que si je parlais il y aurait au sein de l’entreprise des personnes disposées à m’entendre et à m’aider.
De quelle façon ont réagi vos collègues et votre manager ?
J’ai commencé à en parler à mes collègues les plus proches. Leur réaction a été très bienveillante. J’en ai également parlé à mon supérieur. Je m’en souviens encore, nous avions une réunion par visio alors qu’il était en Allemagne. Dans le cadre d’une évaluation, il m’a posé la question suivante : « que fais-tu, en tant que manager, pour favoriser l’inclusion et la diversité ? ». Je me souviens lui avoir répondu « justement, j’ai quelque chose à te dire ». Il a été très touché de la confiance que je plaçais en lui et sa réaction a été très bienveillante. Je me souviens même qu’il m’a dit « c’est vrai que tu étais quand même très discret quant à ta vie personnelle » ! Désormais je vis beaucoup mieux en entreprise : c’est beaucoup moins fatiguant de ne pas avoir constamment à jouer un rôle.
Quid de vos équipes à l’international ?
J’ai profité d’un diner d’équipe pour le dire. Pour moi il ne s’agissait absolument pas d’en parler durant des heures. Simplement de leur donner un état de fait. Désormais, c’est indiqué dans ma bio, signe que les habitudes changent. Jusqu’à présent, les bios des collaborateurs donnaient à voir une présentation très hétéro-normée !
Qu’est-ce que Gleam France ?
Gleam est l’acronyme de Global LGBTQI + Employees and Allies at Microsoft. Ce groupe a été créé aux États-Unis, à partir d’une initiative individuelle. Il y a trois ans, un collaborateur de Microsoft France a découvert l’existence de Gleam au cours d’un un évènement interne aux Etats-Unis. A son retour en France, il a souhaité développer une version française de Gleam et en a donc parlé au Président de Microsoft France qui a accueilli le projet avec enthousiasme. Gleam n’est pas une association à laquelle il est nécessaire d’adhérer. Chacun peut à sa manière participer à Gleam et c’est là tout l’intérêt ! Car Gleam n’a pas pour vocation d’être réservé aux LGTBTQI + mais au contraire d’être le plus inclusif possible en intégrant les alliés.
Vous êtes désormais Board Member au sein de Microsoft Gleam. En quoi consiste ce rôle ?
J’ai rejoint le board de Gleam en octobre 2020, ce qui est finalement très récent ! Mes fonctions sont variées et me prennent beaucoup de temps : j’y consacre en effet plusieurs heures par semaine. Je travaille par exemple sur les sujets de philanthropie et je participe à l’organisation de la semaine des fiertés qui, en 2020, s’est tenu de façon entièrement digitalisée. Je suis également en lien étroit avec l’association l’Autre Cercle pour la réalisation d’un livre blanc LGBT +. Gleam donne à voir la diversité au sein de Microsoft France sous toutes ses formes. Nous avons par exemple fait une conférence sur l’usage des pronoms. Nous faisons également des sessions sur l’intersectionnalité. Les alliés sont nombreux à nous rejoindre pour participer à des projets internes sur la diversité et l’inclusion.