Les représentations d’artistes LGBTQI+ progressent sur la scène musicale internationale et française, avec de plus en plus de jeunes artistes visibles dès le début de leurs carrières. Il s’agit là d’un phénomène récent. Pénalisée en France jusqu’en 1982, l’homosexualité a très longtemps été passée sous silence dans le monde de la musique. Les icônes de la pop qui ont permis de faire bouger les lignes sont majoritairement anglo-saxonnes. Retour sur les années marquantes.
Par Chloé Consigny et Loïc Dumoulin-Richet
L’histoire des luttes en faveur des droits LGBTQI + est originellement marquée par les émeutes de Stonewall. En 1969, à New York, une série de descentes de police répressives dans un bar fréquenté par des personnes LGBTQI + entraîne des manifestations spontanées et donne naissance aux premières marches des fiertés.
1970 – 1980, une décennie de libération
Sur la scène musicale, la décennie qui suit les émeutes de Stonewall apporte d’importants changements sociétaux aux États-Unis. Avec le disco, le vestiaire évolue et la visibilité gay progresse. Le disco accompagne la libération sexuelle et la décennie 1970 – 1980 et apporte un vent de liberté. Pour la première fois, des artistes noir·es prennent le centre de la scène. La queerness n’est alors plus un frein au succès. Cette période faste durera près d’une décennie, marquée par des artistes tels que Gloria Gaynor, John Travolta, Donna Summer, ABBA ou encore Diana Ross. Dans les années 1980, le paysage s’obscurcit. S’ouvre alors une période plus sombre, qui débute en février 1980 avec la première fermeture à New York du studio 54.
Madonna, l’incontournable alliée
Les années 1980 sont marquées par la pandémie de SIDA qui décime la communauté gay. L’euphorie disco bascule vers des sons plus sombres : new wave, cold wave, rock. La musique électronique émerge, avec des artistes tels que Prince, Cindy Lauper, Boy George, Cher ou encore Annie Lennox. C’est à cette époque que Madonna utilise sa célébrité pour attirer l’attention sur cette crise sanitaire mondiale. L’artiste émerge alors comme une figure emblématique de soutien et de sensibilisation. Le 21 mars 1989 sort l’album « Like a Prayer » dans lequel se trouve un insert qui informe sur les risques du SIDA et les bonnes pratiques en matière de safe sex. Deux ans auparavant, lors d’un déplacement à Paris pour la tournée Who’s That Girl Tour, Madonna rencontre le 1er ministre Jacques Chirac et remet un chèque de 500.000 Francs (un peu plus de 76.200 Euros actuels) à Line Renaud, présidente de l’Association des Artistes contre le SIDA. Alliée incontournable de la communauté LGBTQI+ tout au long de sa carrière, Madonna participe à transformer l’attitude du public envers le SIDA et ses victimes, jouant un rôle crucial dans la lutte contre cette épidémie durant une période de peur et de préjugés. Un engagement qui n’a jamais failli et qui perdure encore dans chacune de ses tournées.
De Lady Diana à Lady Gaga
La décennie 1980 – 1990 voit également la naissance de la chaîne de télévision MTV qui permet de diffuser plus largement encore la culture pop. D’autres personnalités poursuivent l’engagement de Madonna, à l’instar de Lady Diana qui très tôt se mobilise pour rendre visite aux malades du VIH, ou encore Elisabeth Taylor et Elton John qui, en 1992, crée la AIDS Foundation. Une artiste française s’engage également : en 1999, Mylène Farmer commercialise 500 000 cassettes vidéo via les marchands de journaux : l’intégralité des sommes récoltées va à la lutte contre le SIDA. Si Mylène Farmer est une artiste qui reste discrète sur sa vie personnelle, ses blessures – exposées dans ses chansons – résonnent particulièrement avec les combats des personnes LGBTQI +. Au même titre que Madonna, elle compte parmi les icônes. Enfin, depuis ses débuts, l’artiste Lady Gaga affiche son soutien aux luttes LGBTQI +. Un soutien qui la place au rang d’alliée.
De rares représentations masculines
Dans les années 1990 – 2000, l’industrie de la musique, majoritairement pilotée par des hommes blancs, cis, hétérosexuels, de plus de 50 ans, est encore très sexiste. La place des hommes gays visibles est rare, avec quelques exceptions telles qu’Elton John. George Michael reste dans le placard durant de longues années, avant d’être outé par des paparazzis. Il choisira ensuite de se réapproprier son coming-out dans un clip où il rejoue la scène de son outing. Un autre artiste s’est illustré par un coming-out tardif : il s’agit de Ricky Martin. Au top des charts en 1997, il ne fera son coming out que dix années plus tard, s’affichant dans la presse avec ses enfants. Enfin, au sein du groupe Boyzone, Stephen Gately fait son coming-out en 1999. Une visibilité rare au sein des boys band dont l’objet est de plaire aux jeunes filles. En 2007, l’un des clips du groupe met en scène les cinq membres : quatre apparaissent aux bras d’une femme, tandis que Stephen Gately s’affiche en compagnie d’un homme.
Une visibilité plus mainstream
La culture queer se diffuse désormais plus largement, via notamment des émissions telles que RuPaul’s Drag Race qui met la queerness sur le devant de la scène de manière joyeuse et drôle. En quelques années, l’émission est passée d’une diffusion confidentielle via une petite chaîne câblée à une diffusion beaucoup plus large via des chaînes nationales.
Un changement de paradigme s’opère également au cinéma et dans les séries. Désormais, les représentations se font plus fréquentes. Les personnages LGBTQI+ ne sont plus systématiquement associés au drame, au rejet et à la maladie et de plus en plus d’œuvres mettent en avant la communauté LGBTQI + sous un angle positif. On peut citer par exemple, Modern family ; Love, Simon ; Sense 8 ; Heartstopper ; Sex education; Pose“ ou encore “Queer as folk“.
Sur la scène musicale, de nombreux artistes français et internationaux tels que Hoshi, Bilal Hassani, Pomme, Eddy de Pretto, Chris, Lil Nas X ou encore Billie Eilish incarnent aujourd’hui cette visibilité. Avec une différence majeure : la plus part de ces artistes sont ouvertement queer dès le début de leur carrière et ne passent plus par la case coming out.
Néanmoins, cette visibilité à un prix : un artiste tel que Bilal Hassani subit encore des déferlements de haine homophobe et raciste.