Johan Cavirot est président de FLAG !, association LGBT + des agents des Ministères de l’Intérieur et de la Justice, Pompiers et Policiers municipaux, créée à Paris en 2001. Depuis 20 années, FLAG ! se place aux cotés des victimes de LGBT phobies. En mai 2020, l’association a lancé une application permettant de recenser les violences et discrimination perpétrées à l’encontre des personnes LGBT+. Gratuite et ouverte à toutes et à tous, l’application permet de réaliser un signalement anonyme. La plateforme FLAG ! offre également un volet organisation, à destination des entreprises publiques et privées. Pour TÊTU Connect, il revient sur les fonctionnalités de cet outil.
Par Chloé Consigny
Quand a été lancé l’application FLAG !? Quel a été l’accueil reçu ?
Nous avons lancé l’application FLAG ! en mai 2020, à l’issue du premier confinement. Cette application s’intègre dans le plan national d’actions pour l’égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020 – 2023, lancé par le ministère de l’Egalite entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalite des chances. Pour l’heure, l’application manque de visibilité. Le seul créneau médiatique dont nous avons pu bénéficier a été celui des violences intraconjugales, à l’issue du premier confinement. Néanmoins, il s’agissait exclusivement des violences perpétrées au sein de couples hétérosexuelles et concernant les femmes. Le prisme est donc très réduit. Il existe de nombreuses autres formes de violences et de discriminations à l’encontre de personnes transgenres, gays, lesbiennes ou queer. Ce sont à ces discriminations que FLAG ! entend s’attaquer.
Concrètement, comment fonctionne l’application ?
Victimes et témoins d’une violence ou d’une discrimination à l’encontre d’une personne LGBT + ont la possibilité de déclarer anonymement l’acte via la plateforme. Des informations telles que le lieu, l’objet et la date de l’agression sont alors recueillies. Ces signalements alimentent une cartographie en temps réel, qui permet ensuite aux pouvoirs publics d’accentuer les politiques publiques sur les zones les plus « à risque » (un quartier, une rue, une école, un établissement public, une entreprise, etc …). En partenariat avec la Fondation Jean Jaurès, FLAG ! réunit ensuite chaque année un comité scientifique. Sur la base des signalement collectés, un rapport sociologique des discriminations LGBTphobes, sérophobes et violences au sein des couples LGBT est alors réalisé. Ce document est disponible gratuitement en ligne.
Au-delà des données statistiques recueillies, quel accompagnement est proposé aux victimes ?
L’application FLAG ! ne remplace pas une plainte au commissariat, mais la complète. Les victimes se voient proposés un accompagnement. En fonction de l’acte signalé, la victime est orientée vers les différentes possibilités officielles (dépôt de plainte, pré-plainte en ligne, signalement Pharos, Plateforme des violences sexistes et sexuelles, IGPN, IGGN, Cellules d’écoute, …). La plateforme donne également des contacts précis, par exemple, celui de la Fondation Le Refuge pour un jeune LGBT victime de discriminations, ou encore le 3919 dans les cas de violence conjugale. Enfin, les collaborateurs d’une entreprise, victimes de discriminations, sont orientés vers le défenseur des droits ou la structure interne, si elle existe.
L’application comporte également un volet à destination des organisations. Comment fonctionne-il ?
L’application peut être utilisée par des entreprises publiques et privés. Concrètement, nous délivrons une URL dédiée aux structures qui le souhaitent. Cela permet de tracer les signalements réalisés dans l’enceinte de leur structure. Prenons un exemple très concret. Une entreprise telle que TOTAL possède des bâtiments administratifs au sein desquels travaillent le plus souvent des cadres. Elle possède également des centres pétrochimiques ainsi que des stations essences qui sont l’interface avec les clients. La réponse aux discriminations sera différente en fonction des sites. Par exemple, s’il s’agit d’un site de production, le personnel est peu équipé d’ordinateurs ou d’intranet, il faudra donc mettre en place des outils spécifiques de sensibilisation à destination des collaborateurs. A l’inverse, au sein des bâtiments administratifs, un module de sensibilisation en ligne est tout à fait réalisable. Grâce à l’URL FLAG ! chaque entreprise peut dresser un état des lieux des discriminations qui ont lieu en son sein et y apporter une réponse adaptée. Les signalements sont anonymes.
Cet outil à destination des entreprises est-il payant ?
Non, cet outil est gratuit. La gratuité de l’outil peut permettre de lever les barrières à l’entrée et d’encourager toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, à l’utiliser. Néanmoins, les entreprises qui souhaitent nous soutenir peuvent réaliser une donation. Celle-ci donne lieu à un abattement fiscal.
Quelles sont les entreprises qui aujourd’hui utilisent cet outil ?
L’outil n’a été lancé que très récemment. Pour l’heure, seules les douanes utilisent FLAG ! et nous n’avons eu qu’un seul signalement. Je reste convaincu qu’il s’agit d’un manque de communication autour de l’existence de cet outil. Les entreprises ont un rôle à jouer dans la lutte contre la discrimination des personnes LGBT et en ont de plus en plus conscience.
Votre association dispense également des formations au sein de la police et de la gendarmerie. Quelle est le contenu de ces formations ?
FLAG ! mène des opérations de sensibilisation afin de lutter contre les LGBTphobies. Désormais, chaque policier a accès à une formation de deux heures en école, qui sera complétée prochainement par une formation continue de trois heures. Celle-ci se décline comme suit : tout d’abord une sensibilisation au vocabulaire employé, ensuite des éléments de contextualisation avec les risques induits par les discriminations (isolement, suicide…). Enfin, la formation dispense des conseils concrets pour la pratique du métier de policier, tels que la façon d’interpeller une personne transgenre ou encore de réaliser son audition. Pour la gendarmerie, le temps de formation vient d’être réduit de 25 %. Nous ne pouvons que le déplorer. En effet, dans les villes, les victimes peuvent avoir recours à des associations. C’est beaucoup moins le cas au sein des zones rurales. Comment demander à un gendarme, cisgenre, hétérosexuel et travaillant en zone rurale de savoir prendre en compte correctement une personne transgenre sans formation ? Le besoin de formation est réel.