Selon l’OCDE, 8 à 10 % de la population mondiale est LGBTQI+*. L’éducation n’échappe pas aux statistiques et compte en son sein de nombreux enseignant·e·s, directeurs et directrices d’établissements, élèves et étudiant·e·s. LGBTQI+. Pourtant, ces personnes sont très souvent invisibles. A l’occasion du webinaire du 14 avril, têtu·connect a souhaité donner la parole à celles et ceux qui au quotidien œuvrent dans le secteur de l’éducation en étant LGBTQI+. Est-il plus difficile d’être out lorsque l’on travaille dans l’éducation ? Les élèves et étudiant·e·s sont-ils et elles désormais plus sensibles à l’inclusion ?
Par Chloé Consigny
Pour ce webinaire, têtu·connect a réuni trois professionnel·le·s de l’éducation : Stanne travaille en maternelle, Vincent au collège et Isabelle dans l’enseignement supérieur. Tous sont LGBTQI+ et nous livrent leur expérience.
« A 5 ans, les enfants sont très ouverts »
Pour Stanne Husson-Steinbach, professeur des écoles à Strasbourg et non binaire, l’accueil a parfois été difficile. « Je suis non binaire. J’ai essayé d’expliquer à mes collègues et aux parents ce que cela signifiait, notamment via l’emploi du pronom iel et de l’écriture inclusive. Leur réaction a été souvent de me dire que c’était trop compliqué et très rares sont celles et ceux qui s’intéressent au sujet. Du côté des parents, c’est encore pire. Il y a six ans, une pétition a circulé, stipulant que des propos comme les miens n’avaient rien à faire à l’école. Aujourd’hui, certains sont curieux et me demandent comment ils doivent m’appeler. D’autres, en revanche, continuent de m’appeler MADAME ou MAÎTRESSE en insistant bien sur le féminin », déplore-t-iel. Pourtant, dans sa classe, les élèves semblent tout à fait sensibles aux représentations non hétéronormées : « Je constate que les enfants de 5 ans sont très ouverts. Les histoires de lapins avec deux mamans, les histoires de princesses qui tombent amoureuses d’une fée et non d’un prince leur conviennent très bien ! C’est plus compliqué avec les parents. Même si je sens poindre des changements. Par exemple, il y a quelques années, lorsque je dessinais une petite fille avec un ballon, cela ne passait pas. Désormais, tous les parents admettent que les jouets sont pour tous les enfants. Poupées et ballons peuvent être utilisés par des filles comme par des garçons », analyse-t-iel.
« En restant ouverte au dialogue, les étudiant·e·s viennent spontanément me voir »
Isabelle Assassi, professeure de marketing à la Toulouse Business School concède que ne pas avoir à faire aux parents est un gage de tranquillité. « Dans mon travail au quotidien, je m’adresse à des étudiant·e·s adultes. C’est sans doute plus facile de ne pas avoir en plus à composer avec les parents ». Pour elle, son coming-out auprès de ses collègues et de ses élèves n’a pas été difficile. « Cela se passe très bien au sein de l’établissement où j’exerce depuis trente ans. Je n’ai jamais eu le sentiment d’avoir une quelconque hostilité. Au pire, je perçois de l’indifférence, au mieux de la bienveillance », constate-t-elle. Si elle est ouvertement lesbienne au travail, elle n’en fait pas non plus un sujet. « J’enseigne le management. Dans ma relation avec les étudiant·e·s, je n’affiche pas le fait d’être lesbienne, mais je ne m’en cache pas non plus. Les étudiant·e·s sont en attente de signes d’ouverture pour pouvoir s’exprimer. En restant ouverte au dialogue, je constate que certain·e·s viennent spontanément me voir pour me parler de leur situation personnelle ».
« Me documenter constamment me permet d’avoir un discours précis »
Vincent Patigniez est enseignant documentaliste à Saran, dans le Loiret. Au sein de son collège, il a, lui aussi, choisi de se placer dans une démarche d’écoute et d’accompagnement. « Je suis aujourd’hui référent égalité filles / garçons au sein de mon établissement et je passe par ce biais pour lutter contre les discriminations. Je suis par ailleurs enseignant et documentaliste. Le CDI (Centre de Documentation et d’Information, NDLR) est un lieu de confort où il est possible de proposer des ressources avec des représentations différentes qui répondent à l’inclusivité. Le fait de me documenter constamment me permet d’avoir un discours précis. J’ai ainsi la possibilité de mettre en place des échanges très précieux avec les élèves. Ma démarche est dans l’échange et la construction. Je publie mes lectures sur les réseaux sociaux et je vois de quelle façon les gens réagissent », explique Vincent Patigniez.
Encore de nombreux défis à venir
Si toutes et tous œuvrent au quotidien pour davantage d’inclusion, le chemin reste encore long. « Au sein des jeunes générations, la parole est très libérée. Il y a donc des élèves qui sont aujourd’hui ouvertement homophobes », constate Vincent Patigniez. Face à ces comportements, il oppose sans cesse les mêmes armes : le savoir, la littérature et l’échange et bénéficie du soutien de sa hiérarchie. « J’ai la chance de pouvoir beaucoup échanger avec l’équipe pédagogique. Nous partageons nos lectures et nos réflexions et je suis soutenu dans mes actions. Par exemple, j’ai pu mettre en place une formation sur les violences de genre », explique-t-il. Des progrès du quotidien qui n’empêchent pas les enseignants et les enseignantes de constater que les stéréotypes perdurent. « Même s’il est bien plus facile d’être LGBTQI+ aujourd’hui que dans les années 1990, je constate qu’il existe d’importants clivages au sein de la population étudiante. Le monde hétérosexuel reste majoritairement dominant et les homosexuel·le·s restent ostracisé·e·s », constate Isabelle Assassi, qui ajoute : « il demeure des cas très compliqués, à l’instar d’étudiant·e·s homosexuel·le·s chassé·e·s par leurs parents »
Retrouvez le replay du webinar sur ce lien.
Pour aller plus loin, têtu·connect vous recommande la lecture du livre « Hétéro, l’école ? plaidoyer pour une éducation anti-oppressive à la sexualité », par Gabrielle Richard aux éditions du remue-ménage.