La France compte près de 4 millions de PME/PMI qui, à elles seules, représentent 45,7 % de l’emploi salarié en France. Si les grands groupes – et particulièrement les fleurons du CAC 40 – communiquent abondamment autour de leurs actions en faveur de la diversité et de l’inclusion, les PME sont beaucoup plus discrètes. Cela ne signifie pas, en revanche, qu’elles ne mettent pas en place des actions. A l’occasion du webinaire TÊTU Connect, trois professionnels du monde de l’entreprise ont échangé autour de la thématique de la diversité au sein des PME/PMI.
Par Chloé Consigny
L’étude The Future of Work, menée par le groupe Monster auprès de 8000 candidates, candidats, recruteuses et recruteurs en France livre un état des lieux des attentes des candidats et des recruteurs en matière de diversité. Il apparaît ainsi que 45 % des entreprises déclarent ne pas avoir de projet en faveur de la diversité et de l’inclusion. Dans le même temps, 30 % des candidates et candidats au recrutement s’attendent à obtenir des informations sur la stratégie D&I des entreprises auprès desquelles ils et elles sont susceptibles de postuler. Un pourcentage qui atteint 44 % au sein des 18 – 24 ans. Pourtant, sans le formuler, ni abondamment communiquer autour de ces sujets, une grande partie des petites et moyennes structures mènent d’ores et déjà des actions en faveur de la diversité et de l’inclusion. Certaines d’entre elles n’en ont même pas conscience. Elles se trouvent alors fortement dépourvues quand il s’agit de lister leurs engagements auprès des candidats en attente d’informations. « La formulation de la stratégie D&I au sein des TPE et PME est source d’inquiétude pour les dirigeants. En effet, le marché du recrutement est aujourd’hui extrêmement concurrentiel, c’est-à-dire que le nombre d’offres est supérieur au nombre de candidats. Dans ce contexte, les dirigeants de PME/PMI craignent de ne pas être à même d’expliquer leurs engagements face à des candidates et candidats de plus en plus sensibilisés à ces questions », analyse Romain Giunta, Managing Director, MonsterFrance.
Des PME/PMI pénalisées par rapport aux grands groupes ?
Pour la plupart des dirigeants de TPE et PME, la tâche à accomplir semble immense. Ils déplorent ainsi disposer de moins de temps et de moins de moyens financiers que les grandes entités. « C’est peut-être vrai. Cependant, je reste convaincue qu’un canoë est beaucoup plus facile à manœuvrer qu’un paquebot. Lorsque la volonté de la dirigeante ou du dirigeant d’entreprise est forte, la courroie de transmission depuis le top management jusqu’aux opérationnels est beaucoup plus rapide qu’au sein des grands groupes », analyse Élisabeth Laville, fondatrice et dirigeante du cabinet de conseil Utopies. Reste cependant que les PME/PMI avancent souvent par petits pas. A l’instar des grands groupes il est difficile – voire impossible – de mettre en place une stratégie du jour au lendemain. « Au sein du cabinet Utopies, nous avons mis en place différentes mesures, à l’instar du congé parent aidant ou encore du congé enfant malade. Nous avons également aligné le congés deuxième parent sur le congé premier parent. Tous ces éléments n’engendrent pas immédiatement un coût . Cependant, leur annonce transmet une image forte de l’entreprise, à l’interne, mais également à l’externe », poursuit Élisabeth Laville.
Une formalisation graduelle des engagements D&I
De nombreuses PME choisissent d’avancer par petits pas, souvent sous l’impulsion de leurs clients et fournisseurs. C’est ainsi que chez Ideuzo, agence de communication RH dont le siège social est situé à Nantes et qui compte 38 salariés en France, la formulation de la stratégie D&I est passée par plusieurs étapes. « Trois éléments conjoints nous ont poussé à définir notre stratégie. En premier lieu, l’engagement fort de notre dirigeant. A cela s’ajoute nos clients eux-mêmes : des spécialistes RH qui nous sont apparus de plus en plus démunis face aux questions de diversité et d’inclusion. Ces sujets étant intrinsèquement humains, ils n’osaient pas se positionner dessus de peur d’être intrusifs. Enfin, le dernier déclic a été en provenance d’un de nos clients grand compte qui en structurant sa politique RSE nous a demandé en qualité de fournisseurs de nous structurer également. Cela nous a demandé un important travail en interne », détaille Elodie Friot, Consultante Ideuzo en charge de la politique RSE de l’entreprise avant d’ajouter : « cela nous a donné l’impulsion nécessaire à la mise en place d’une certification. Nous avons pu ainsi de façon précise dresser un état des lieux des actions réalisées et des objectifs à venir ».
Quels outils pour la mesure de la Diversité en entreprise ?
Pour les accompagner dans la formalisation de leurs actions, il existe quelques rares outils, à l’instar de l’empreinte diversité proposé par Mixity, ou encore de la signature de chartes telles que celles de l’Autre Cercle, la Charte de la Parentalité en Entreprise ou encore le label B Corp. « Si en soi, la signature de chartes et les certifications des labels ne peuvent se suffire à eux-mêmes, ils envoient néanmoins un message clair. Celui d’un engagement fort de la part de l’entreprise. Lorsque l’entreprise s’engage publiquement, elle multiplie les attentes vis-à-vis de l’interne et de l’externe », souligne Élisabeth Laville.
Comment convaincre les dirigeantes et dirigeants d’entreprises les plus réticent·es ?
Qu’arrive-t-il lorsqu’un dirigeant de PME est totalement hermétique à ces questions ? Pour Elodie Friot, il convient tout d’abord de s’interroger sur les raisons de ses réticences : « il se peut qu’un dirigeant, pour des raisons tout à fait personnelles, ne soit pas à l’aise avec un sujet en particulier. Dans ce cas, le plus simple est sans doute de commencer par traiter d’autres sujets avant de revenir sur les points de blocage. Par exemple, commencer en mettant en place des actions autour du handicap va ouvrir la voix au sein de l’entreprise. Très vite, le dirigeant va constater les bénéfices sur ses collaborateurs. Cela peut même libérer la parole de personnes atteintes d’un handicap invisible. Conscient de l’impact positif de ce type d’action pour son entreprise, elle ou il sera alors certainement davantage disposé·e à se pencher sur d’autres sujets ». Enfin, l’échange entre pairs reste un bon moyen de sensibiliser les dirigeants. « Lorsque l’on met un dirigeant en présence d’un de ses pairs qui lui explique les bénéfices des actions qu’il a mené au sein de son entreprise, il est plus facile de convaincre de l’importance de ces sujets », conclut Élisabeth Laville.