Personn’Ailes souffle ce mois-ci sa 23e bougie. L’association des personnels LGBTQI+ et gay- friendly d’Air France compte des centaines d’adhérent·es, et joue un rôle primordial au sein de la compagnie. Retour sur deux décennies de combats.
Par Aimée Le Goff
Elle compte parmi les plus anciennes associations LGBTQI+ d’entreprise de France. Personn’Ailes, qui fête son 23e anniversaire, aura connu bien des transformations sociétales. À la tête de l’association, Sébastien Corolleur, président, fondateur et steward long courrier, se réjouit du chemin parcouru : « Aujourd’hui, qu’on soit gay, lesbienne ou trans, chez Air France, nous avons accès aux mêmes droits ».
De premiers objectifs de prévention Sida
Partenariats avec d’autres associations, webinaires thématiques, vols spéciaux, Marche des fiertés… Pour comprendre l’activité de Personn’Ailes, il nous faut remonter le temps. « À l’époque, les choses étaient bien différentes, se souvient Sébastien Corolleur. J’ai fondé l’association en 2001, à une période de grande préoccupation concernant l’épidémie de Sida. Il n’y avait aucune prévention pour le personnel naviguant. Pourquoi une entreprise ne pouvait-elle pas s’en charger ? ». Le sujet constitue le fer de lance du steward, qui attire l’attention de la direction générale. « Tout le monde a saisi le bien-fondé de la démarche, confie-t-il. Nous avons reçu un accueil assez favorable de la direction pour la mise à disposition de préservatifs et l’organisation d’actions de sensibilisation, y compris sur les sites industriels ».
« La nouvelle génération est très à l’aise avec son identité »
À l’époque, il constate des inégalités de traitement pour les personnels pacsés. « Les choses n’étaient pas à jour. Nous avons d’abord investi le domaine du droit LGBTQI + en entreprise et nous avons pris le parti d’agir non pas contre la direction, mais avec. Nous avons repris point par point les sujets à travailler pour faire évoluer la situation ».
Au fil des générations, Sébastien Corolleur voit les comportements et mentalités évoluer : « Chez les pilotes par exemple, la nouvelle génération est très à l’aise avec son identité. Les plus jeunes ont un réel besoin de s’affirmer dans tous les secteurs de l’entreprise. ». Albin Piques, 27 ans, fait partie de cette génération. Steward long courrier depuis quatre ans, il compte parmi les 500 adhérents de Personn’Ailes et participe aux nouvelles opérations de sensibilisation : « je trouve très intéressant de rejoindre une association LGBTQI + au sein d’une compagnie aussi ancienne qu’Air France. Ça change tout de se sentir soutenu par sa direction. Quand on rencontre ses dirigeant·es lors de manifestations, on part au travail sereinement ».
L’émergence des vols Ruban rouge
Avant de rejoindre Air France, Albin était pianiste au conservatoire de Toulouse. « Le milieu de la musique classique n’est pas aussi ouvert », assure-t-il. Depuis son arrivée, il a participé à plusieurs vols Ruban Rouge et gay friendly, à destination de Cayenne, New York et San Francisco. Mis en place en 2019, ces vols spéciaux consistent à sensibiliser aux thématiques LGBTQI+ durant le trajet et, selon les destinations, à transporter du matériel de prévention et de documentation. À bord, les adhérent·es de Personn’Ailes comptent parmi l’équipage. « Nous réfléchissons maintenant aux personnalités qu’on aimerait faire venir à bord de ces vols, indique Albin Piques. C’est génial de pouvoir accomplir ces choses-là à 10 000 mètres d’altitude ».
« J’ai vu l’acceptation se faire au sein de la compagnie »
La prise en compte de la transidentité compte aussi parmi les sujets abordés par l’association : changements d’uniformes et de badges, communication avec les managers… Chris Duparq, membre du conseil d’administration de Personn’Ailes, employée chez Air France depuis les années 90, peut en témoigner. En 2011, elle se rapproche de l’association dans le cadre de son projet de changement d’identité, après avoir été accompagnée par la médecine du travail. « Un vrai travail d’accompagnement a été mené auprès des managers et des ressources humaines.» Après une intervention médicale en Thaïlande et un mois de convalescence, un manager du service courrier lui propose un nouveau poste d’analyste fonctionnel, adapté à sa formation initiale. « Grâce à Personn’Ailes, j’ai vu l’acceptation se faire progressivement au sein de la compagnie ». Elle s’investit désormais dans les opérations de communication de l’association, et en expose les nouveaux objectifs : « éviter les opérations individualisées » et œuvrer pour « une image de l’association plus reconnue chez tous les managers ».
Œuvrer pour la parentalité LGBTQI+
D’autres questions se posent aujourd’hui sur la table, telle que la parentalité LGBTQI + et la visibilité lesbienne en entreprise. Julie Defever, salariée chez Air France depuis 2008 et adhérente de Personn’Ailes depuis 2014, intervient sur ces thématiques lors de webinaires. Manager au service Cargo, elle dit n’avoir jamais subi d’homophobie au sein de la compagnie. « J’ai changé 5 fois de service et je me suis toujours sentie à l’aise ». En conférence, elle témoigne de son parcours de mère homosexuelle non biologique, non reconnue par la loi. « Légalement, je n’avais pas le droit à un congé parental, confie-t-elle. Air France a regroupé toutes mes vacances sur un mois pour reproduire ce congé et à mon retour, j’avais un cadeau de naissance. Mon entourage professionnel m’a fait me sentir normale, comme une mère qui revient de congés ».
Pour elle, l’arrivée de Ben Smith à la direction générale du groupe Air France-KLM en 2018 a marqué un tournant pour l’association. « Il contribue à lui donner de la visibilité, alors que ce n’était pas la priorité d’autres dirigeant·es avant lui ». Le prochain rendez-vous est donné le 17 mai, pour la Journée mondiale de lutte contre les LGBT-phobies. « Un vol arc en ciel est en préparation », expose Sébastien Corolleur. Cette fois, le personnel naviguant sera exclusivement constitué d’adhérent·es de Personn’Ailes, et le ruban arc-en-ciel ornera fièrement les uniformes. « Après avoir quitté la piste d’atterrissage, nous sortirons les drapeaux pour toute la phase de roulage ».