Depuis huit ans, Vincent Patigniez, 40 ans, travaille en tant qu'enseignant-documentaliste dans un collège à Saran (Loiret). Pour certain·es collègues, il est OUT, pour d’autres, il se protège et cache son homosexualité. Depuis quelques mois, Vincent s’engage sur les questions LGBTQI+ en sensibilisant ses élèves, en déconstruisant certains stéréotypes. Ces moments d’échanges sont, selon lui, l’une des conditions au grandir ensemble.
Par Léa Taïeb
Adolescent, Vincent s’interroge sur son orientation sexuelle sans clairement se poser la question. “Je me demandais ce que c’était qu’être hétéro pour avoir de quoi me comparer”, explique-t-il. Un jour, en classe, une intervention sur le SIDA le traumatise. “À partir de ce moment, j’ai commencé à associer homosexualité et SIDA, homosexualité et perversion”, se souvient-il.
À l’université, il se définit d’abord comme bi avant de comprendre qu’il est gay. “Je refusais cette réalité, j’avais évolué avec des représentations erronnées, avec l’idée que l’homosexualité était une déviance”, précise-t-il.
Aux alentours de 25 ans, Vincent commence à partager son homosexualité avec d’autres personnes que lui-même. “J’avais un groupe d’ami·e·s très ouvert, qui a très vite compris les choses”, informe-t-il. Et d’ajouter : “avant cela, j’avais peur de l’annoncer. J’avais peur que mes amis garçons se sentent trompés, qu’ils me considèrent comme une menace, qu’ils me rejettent”.
“J’annonce mon coming-out de manière sélective”
Après des études de lettres, Vincent rejoint un établissement scolaire en tant qu’assistant-surveillant puis en tant qu’assistant d’éducation. Il y a huit ans, il reprend un poste d’enseignant-documentaliste au collège. Au départ, son homosexualité était tenue secrète. Aujourd’hui, il l’annonce de manière sélective. “Je l’annonce aux personnes dont je connais la réaction. Celles qui sont en demande d’informations, de formations. Pour celles dont je crains l’hostilité, je passe pour un hétéro en utilisant des mots épicènes”, informe-t-il.
Depuis cette année, Vincent a choisi de se positionner sur les sujets LGBTQI+ dans sa vie professionnelle comme sur les réseaux sociaux. Pourquoi maintenant ? “Je m’engage cette année parce que j’ai le sentiment que le sexisme et l’homophobie s’expriment de façon décomplexée dans la société comme à l’école”, estime-t-il. Il s’engage aussi parce qu’il se trouve plus légitime : il travaille en tant que référent sur l’égalité filles-garçons, il approfondit les sujets LGBTQI+ au sein du groupe académique égalité filles-garçons et il rejoindra bientôt l’Observatoire de la haine anti-LGBT. Après avoir lu de nombreux travaux de sociologie, il a réalisé qu’il avait les connaissances nécessaires pour intervenir en classe et lutter contre les stéréotypes LGBTphobes. “Bien évidemment, mes cheffes d’établissement me soutiennent dans ma démarche”, assure-t-il.
“Je montre que je suis prêt à accueillir les maladresses des élèves sur les sujets LGBTQI+”
Pendant ces modules pédagogiques, il ne fait pas référence à son orientation sexuelle. Il commence sa sensibilisation par un retour aux bases, par la définition de l’identité de genre, de l’orientation sexuelle. Dans un second temps, il tempère les normes de genre, les biais qui conditionnent à penser de telle ou telle manière. “Lors de ces échanges, je montre que je suis prêt à accueillir les maladresses des adolescent·es, leurs interrogations”, explique-t’il.
Après ces discussions, certain·es élèves se sentent soulagé·es : “ils ne se sentent plus seul·e·s face à leurs doutes et trouvent en moi un soutien, un confident”. De plus en plus de collégien·e·s osent demander à Vincent l’accès à des ressources, à des livres qui abordent les questions LGBTQI+. “J’essaie de les aider dans leur traversée, je leur propose des documents qui incarnent la diversité, qui les accompagnent dans leurs réflexions”, indique-t-il.
Du côté des parents d’élèves, Vincent les informe de ses actions à travers les réseaux sociaux de l’école. “Il me tarde de pouvoir échanger avec eux, de répondre à leurs questions”, confie-t-il.
Retrouvez le replay du webinar sur ce lien.