A l’occasion du webinaire “être LGBTQI+ dans les métiers de l’éducation” du 14 avril, têtu·connect donne la parole à celles et ceux qui, au quotidien, s’emploient à accompagner les élèves et les étudiant·e·s dans leurs parcours scolaire mais également dans leurs parcours de vie. Quid de l’accompagnement dans la transidentité? Quelles mesures sont mises en place au sein des établissements d’enseignement supérieurs pour faciliter l’inclusion des étudiant·e·s trans et/ou en transition de genre.
Par Léa Taïeb
Que dit le Ministère de l’enseignement supérieur ?
En 2019, le Ministère de l’enseignement supérieur s’est engagé à ce que le nom d’usage de l’étudiant·e trans soit pris en compte par le logiciel – alors rigide – qui gère les inscriptions. Dans un entretien donné au magazine Têtu, la Ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a ajouté : “Je veux faire en sorte que l’utilisation du prénom d’usage devienne un droit dans l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur”. Dans les faits, la plupart des étudiant·e·s trans doit faire connaître son nom d’usage en début d’année. Si une personne décide de changer de nom en cours d’année, l’étudiant·e se confronte au système bureautique de son université, à son efficacité comme à ses lourdeurs.
Quelles sont les universités qui montrent l’exemple ?
L’EHESS (École des hautes études en sciences sociales) fait figure de référence, ce qui n’est pas sans lien avec les disciplines enseignées. Dans cet établissement, les questions de genre sont au cœur de plusieurs programmes de recherches. “Les sociologues qui travaillent sur les questions de genre ont aussi joué un rôle important dans l’adoption de nouvelles mesures d’accompagnement des étudiant·e·s trans”, décrit la chercheuse Cléo Carastro. Et d’ajouter : “grâce à la sensibilisation des personnels enseignants et administratifs, la prise en compte de la transidentité a connu des avancées”.
D’après la chercheuse, le prénom et la civilité d’usage d’un·e étudiant·e trans sont adoptés par l’EHESS sur simple demande des personnes concernées (sans que l’étudiant·e ait besoin de valider ce changement à la mairie ou au tribunal) et sont inscrits sur tous les documents officiels délivrés par l’établissement. “Aussi, depuis 2018, l’établissement délivre même le diplôme mentionnant le prénom d’usage et la civilité d’usage, ce qui, pour le moment, n’est pas encore prévu par la loi”, indique-t-elle.
À Paris 8, Fatima Zenati, chargée de mission Égalité Femmes-Hommes se montre très à l’écoute des problématiques rencontrées par les personnes trans. “Dès qu’il y a un problème, j’interviens immédiatement”, assure-t-elle. Comme dans le cas de l’EHESS, ce n’est pas une surprise si Paris 8 est une université bonne élève. Depuis 1974, un centre d’études de genre, le premier en France, existe. Au quotidien, Fatima Zenati travaille en collaboration avec plusieurs associations féministes et queer pour que tout·e·s les étudiant·e·s puissent s’émanciper.
Concrètement, comment aider un·e étudiant·e trans ?
Un établissement d’enseignement supérieur doit d’abord reconnaître la transidentité d’un·e étudiant·e en facilitant ses démarches administratives, en adoptant son prénom d’usage et son changement d’identité de genre (s’il y a). Dans ce cas-là, qui solliciter ? “L’étudiant·e peut faire appel à la personne référente égalité et lutte contre les discriminations pour accélérer sa reconnaissance légale et informer les différentes parties”, répond la chercheuse de l’EHESS. Et de poursuivre : “l’école peut accompagner les étudiant·es trans sur le plan administratif et pédagogique. Si la personne exprime d’autres besoins, on peut la rediriger vers les structures adéquates”.
À l’université de Lille, une personne trans peut solliciter la maison de la médiation. “Elle peut se renseigner sur ses droits grâce à l’aide de juristes, elle peut aussi être mise en relation avec une association locale ou encore bénéficier d’un soutien psy, si elle en fait la demande”, informe Hermeline Pernourd, cheffe de projets Égalité-Diversité. Elle peut également prendre rendez-vous avec une personne chargée des questions de discriminations.
À l’université Lyon 1, Delphine Julienne, cheffe de projets égalité et lutte contre les discriminations, rappelle le même message depuis plusieurs années : une personne trans après sa transition peut demander à son université de lui délivrer un diplôme en accord avec son nouvel état civil. “En septembre, je publie une note d’information à destination du service scolarité pour le rappeler à ses obligations”, informe-t-elle. À ce jour, l’université agit surtout sur le plan pratique : elle fournit des poubelles dans les toilettes féminines comme masculines pour que les étudiant·e·s trans puissent se sentir à leur place partout. Elle travaille sur les pictogrammes et symboles présents dans l’établissement pour les rendre plus adaptés aux différentes identités de genre.
Comment sensibiliser les étudiant·e·s, le corps enseignant et l’administration ?
L’université de Lille se donne pour objectif de former les personnes travaillant en son sein à la question de la transidentité. “Tout le monde devrait connaître les conséquences de la dysphorie de genre en particulier sur le décrochage scolaire et universitaire”, explique Hermeline Pernourd. Et de s’interroger : “Mais comment former des personnes qui n’ont pas envie de savoir ?”
Pour répondre à cette question, certaines universités comme celle de Lille organisent des journées pour échanger sur la question de la transidentité et faire tomber les stéréotypes transphobes. “Nous avons eu une réunion avec la Mairie de Lille pour financer ensemble, dès la rentrée prochaine, des formations à destination des étudiant·e·s dans le cadre de la lutte contre les LGBTphobies, l’occasion de visibiliser la communauté trans, et surtout de former”, précise la chargée Egalité et diversité.
À Paris 8, des personnes extérieures sont conviées lors d’opérations de sensibilisation. “Avant ces conférences, nous communiquons massivement, nous collons des affiches, nous envoyons des mails, nous distribuons des tracts pour faire venir du monde”, relate la chargée de mission Égalité Femmes-Hommes.
Le 17 mai prochain, lors de la Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, l’université Lyon 1 a demandé à l’association Chrysalide, association trans militante de support et de diffusion d’informations sur les transidentités, de prendre la parole, d’éduquer. “Parce que la transphobie, il y en a partout”, déplore la cheffe de projets égalité et lutte contre les discriminations à l’université de Lyon 1. Cette dernière organise trois à quatre fois par an des formations basées sur le volontariat et à destination du corps enseignant et de l’administration. Pour informer les étudiant·e·s, elle a lancé le podcast Amphi 25 dont deux épisodes sont consacrés aux témoignages de plusieurs personnes trans.
Quel est le rôle d’une association étudiante LGBTQI+ dans la compréhension de la transidentité ?
Avec le confinement, certains établissements ont “perdu” leur association LGBTQI+. Mais celles qui restent agissent chacune à leur manière, avec le pouvoir qui leur est incombé.
Depuis 2017, le collectif TransBloc accompagne les étudiant·e·s trans et/ ou non binaires de l’EHESS dans leurs démarches et dans la lutte contre les discriminations. “Le collectif a travaillé main dans la main avec la présidence pour que l’établissement accède aux demandes des personnes trans”, rapporte la chercheuse Cléo Carastro.
MIEL, l’association LGBTQI+ du Havre, accompagne les étudiant·e·s “en difficulté” avec le corps enseignant. “Si un·e prof mégenre une personne trans, on va organiser une médiation. On va tenter d’expliquer au prof les problématiques de l’étudiant·e trans et ce qu’implique un mégenrage”, informe Sage, co-fondateur·ice. L’association cherche à élargir son champ d’actions pour pouvoir former les équipes enseignantes, pour que plus de personnes comprennent le parcours des personnes trans à l’université. “On attend de l’université qu’elle soit un refuge, qu’elle adopte nos changements de prénom et d’identité de genre, qu’elle accélère la procédure civile”, décrit Sage.
Retrouvez le replay du webinar sur ce lien.