S’inspirant de grands groupes américains, plusieurs entreprises françaises ont récemment mis en place des Comités Diversité & Inclusion. Considérée comme plus engageante que l’instauration d’un département D&I, cette démarche implique une forte implication du top management pour déboucher sur des actions concrètes, par exemple à destination des collaborateurs LGBTQI+.
Par Arnaud Lefevre
Serait-ce devenu la nouvelle instance à la mode au sein des grandes entreprises françaises soucieuses de renforcer leur politique en matière de diversité et d’inclusion (D&I)? S’inspirant de leurs homologues américaines, plusieurs d’entre elles se sont dotées, ces derniers mois, d’un Comité D&I. C’est par exemple le cas de L’Oréal, la Société Générale, Renault, AXA, PepsiCo France ou encore Newen… Une liste non exhaustive appelée à s’étoffer dans les mois à venir, plusieurs groupes qui disposent aujourd’hui soit de réseaux internes chargés d’aborder les problématiques de parité et de lutte contre les discriminations, soit d’un Département D&I, envisageant d’en instaurer un. « Nous voyons actuellement beaucoup d’initiatives dans ce domaine », confirme Charlotte Vandeputte, responsable Talents chez Deloitte.
Les salariés au cœur de la politique D&I
Alors que les départements D&I ont généralement pour mission de définir, au niveau du Comex, les axes principaux d’une politique D&I avant de les diffuser dans l’ensemble du groupe, le lancement de tels projets découle souvent d’une volonté des instances dirigeantes d’aller plus loin dans la prise en compte des attentes des collaborateurs. « Au départ, nous avions instauré en interne des cercles d’écoute, dans le cadre desquels chaque collaborateur·trice pouvait nous poser des questions les concernant ou concernant l’action du groupe en matière de D&IE, informe Margaret Johnston-Clarke, directrice monde de la diversité, de l’inclusion et de l’équité chez L’Oréal. Or je suis rapidement arrivée au constat que mon équipe n’avait pas toujours les ressources ou les capacités pour répondre à ces interrogations. C’est là que l’idée de créer un Conseil D&I regroupant des experts a émergé. » Ce dernier a ainsi vu le jour début 2021. Chez PepsiCo France, qui a créé un premier Comité DE&I (diversity-equity-inclusion) dès 2019, puis un second fin 2021, les motivations n’étaient guère éloignées. « Au sein de l’entreprise, nous souhaitons créer un environnement de travail inclusif où chaque personne puisse se sentir valorisée et reconnue pour ce qu’elle est, témoigne Natalie Keast, directrice des ressources humaines pour la France. Dans ce cadre, cette instance a notamment vocation à offrir la possibilité aux collaborateurs de participer activement à la construction et au déploiement de l’agenda DE&I France, de promouvoir et d’implémenter localement les initiatives prises au niveau du groupe. »
Des compositions diverses
D’une entreprise à l’autre, le mode de fonctionnement de ces structures peut varier, certaines ayant institué un rendez-vous trimestriel quand d’autres ont opté pour un calendrier plus informel. Il en va de même s’agissant de la composition de cet organe. D’ordinaire, l’ensemble de ses membres sont des salarié·es du groupe. « Le Comité est composé de 23 collaborateurs et collaboratrices de la business unit France, venant de différents départements et métiers, précise Natalie Keast. Ceux-ci ont été sélectionnés à la suite d’un appel à candidature envoyé aux 700 collaborateurs de la filiale. » Mais, parfois, certaines choisissent de l’ouvrir à des personnes extérieures à la société. « Afin non seulement de pouvoir couvrir un maximum de sujets, mais aussi d’entendre des experts capables de nous « challenger » en mettant le doigt sur des pratiques sur lesquelles nous sommes perfectibles (comme par exemple sur les mots utilisés en cosmétiques pour parler âge ou couleur de peau), j’ai voulu accueillir dans ce Conseil, aux côtés de plusieurs responsables de L’Oréal, des profils de haut niveau, dont l’expertise est reconnue internationalement, évoque Margaret Johnston-Clarke. Parmi les douze membres externes, on retrouve ainsi une spécialiste en Genre et Relations Humaines, une professeure d’anthropologie, un philosophe sur le genre, la race et l’intersectionnalité au Brésil, un sociologue avec une expertise en matière de discrimination ainsi qu’une scientifique numéricienne. »
Des promesses… à ne pas décevoir
Quel que soit le degré d’ouverture souhaité pour cette instance, toutes et tous insistent sur la nécessité que le comité exécutif ou le comité de direction y soit représenté afin que les travaux engagés puissent avoir des chances de déboucher sur des actions concrètes. « Le soutien de la direction générale est clé », corrobore Margaret Johnston-Clarke. Mais ce n’est pas tout. « Il faut également veiller à ce que les groupes constitués soient les plus inclusifs possibles pour faire avancer les choses, insiste Sophie Lazaro, responsable de l’offre Diversité & Inclusion chez Deloitte. A ce titre, il ne faut pas seulement inviter des femmes pour parler de parité ou des personnes LGBTQI+ pour aborder les problématiques liées. » De plus, le climat dans ces comités doit être collaboratif et constructif. « Il serait contre-productif que la direction du groupe ait le sentiment d’avoir face à elle un CSE bis (Comité économique et social, NDLR) », constate Sophie Lazaro.
Une fois l’entreprise engagée dans une telle démarche, le plus dur commence alors pour son management. « En manifestant ainsi son intention d’être à l’écoute des collaborateurs, celui-ci crée des attentes, qu’il convient au maximum de ne pas décevoir », prévient Sophie Lazaro. A ce jour, la plupart des Comités D&I existants ont cherché à traiter de problématiques comme la parité femme-homme, l’intégration des personnes handicapées et les rapports entre les générations. Revêtant une importance croissante parmi les collaborateurs et collaboratrices, la prise en compte de la thématique LGBTQI+ est appelée à monter en puissance, assurent les intéressé·e·s.