Ancrée dans l’histoire des luttes pour la diversité, la Journée mondiale du coming out, ou Coming out day, figure au 11 octobre du calendrier LGBTQI+. Une date fondatrice et nécessaire pour encourager la visibilité en rappelant des droits fondamentaux.
Par Aimée Le Goff
D’origine américaine, la Journée internationale du coming out, ou Coming out day, s’est étendue en Europe pour rappeler, chaque 11 octobre, les droits des personnes LGBTQI+. Comment est née cette date historique ?
Il faut d’abord s’imaginer plus de 200 000 personnes réunies aux États-Unis, un jour d’automne 1987, devant la Maison Blanche. Au cœur des années Sida, et sous la présidence de l’ultraconservateur Ronald Reagan, s’organise la Seconde marche de Washington, appelée ainsi en référence à la marche de 1963 menée par Martin Luther King pour les droits civiques des afro-américain·es. L’événement réunit une foule citoyenne soucieuse de faire reconnaître les droits gays, lesbiens et transgenres. L’année suivante, le 11 octobre 1988, l’anniversaire de ce défilé est inauguré par le psychologue Robert Eichberg et par la militante Jean O’Leary, ouvertement lesbienne. À cette occasion, des centaines de personnes publieront leurs noms dans les journaux. Le National Coming out day est né.
Appel aux déclarations publiques
À cette époque, les mouvements LGBTQI+ américains comptent quelques avancées sociales : l’autorisation de se voir servir de l’alcool dans les bars suite à la mobilisation de clients gays dans le Julius Bar new yorkais ; les émeutes de Stonewall de 1969, trois jours de résistance face aux descentes incessantes de la police locale dans le bar du même nom ; la première Gay pride – aujourd’hui marche des Fiertés – de New York, en 1970.
D’autres mobilisations ont un visage plus connu. Celui de Harvey Milk, homme politique américain ouvertement gay, compte sûrement parmi les plus emblématiques. Son élection, en 1977, au conseil des superviseurs de San Francisco, fait de lui le premier élu ouvertement homosexuel du pays. Assassiné en 1978 par l’ancien superviseur Dan White, il avait déclaré, dans un enregistrement audio faisant office de testament : « Je voudrais que médecins, juges, avocats, architectes, et bien d’autres déclarent publiquement leur homosexualité pour donner de l’espoir aux jeunes gens ».
Dépénalisation, coming out politique et mariage
En France, l’homosexualité ne sera dépénalisée qu’en 1982 par le ministre de la Justice Robert Badinter. En 1998, le coming out politique est incarné par Bertrand Delanoë, premier homme politique français à révéler publiquement son homosexualité, avant d’être élu maire de Paris, en 2000. Il faudra ensuite attendre 2013 pour que la loi « Mariage pour tous » légalise le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe.
Fruit d’actes politiques inédits et de révoltes plurielles, le Coming out day reste une date symbolique forte. L’expression même aurait plusieurs origines. Pour la sociologue américaine Abigail Saguy, le terme de coming out daterait de l’époque victorienne, et ferait référence à la période durant laquelle les jeunes filles de la bourgeoisie entraient dans la société. Le terme aurait été repris par la communauté gay dans les années 30 pour exprimer la révélation de son orientation affective ou de son identité de genre. Aujourd’hui, l’expression ne fait pas toujours l’unanimité. « Je n’aime pas vraiment ce terme. Il donne l’image un peu effrayante d’un clown qui sort de sa boîte pour faire une surprise déconcertante », observe Jeanne Vézien, ingénieure de recherche transgenre affiliée au CNRS. Pour la chercheuse, ce moment s’est traduit par de l’incompréhension dans la sphère familiale, mais par beaucoup de bienveillance dans la sphère professionnelle.
Le choix des mots en entreprise
Étape salvatrice, moment douloureux ou passage nécessaire vers l’affirmation de soi, le coming out revêt de multiples réalités. Thibaut, 39 ans, compte des années de silence avant la révélation de son orientation affective. « Avant de mentir aux autres, je me suis rendu compte que je me mentais surtout à moi-même ». Directeur des partenariats stratégiques dans un groupe spécialiste des télécommunications, il a pris le temps de choisir les premières personnes de son entourage à qui se confier. D’abord auprès de certain·es ami·es puis à la famille ensuite. Dans la vie professionnelle, il n’aime pas « mélanger les sujets ». « Ma position était assez ferme là-dessus. Je travaille en plus dans un secteur technique, pas forcément le plus avancé sur ces questions ». Récemment, sa position a changé, et l’idée de mentionner son compagnon en entreprise a fait son chemin : « si on me questionne sur ma vie privée, je parlerais de « mon partenaire », ou « my partner » en anglais, parce que j’ai surtout des interlocuteur·ices anglophones. Je suis moins fermé à l’idée d’en parler aujourd’hui parce que ma relation de couple est stable et solide ».
Changements de comportement au travail
Pour d’autres, mentionner son orientation affective le plus tôt possible semble plus confortable. C’est le constat de Julie, ancienne consultante en management informatique. « J’évoluais dans un milieu très masculin, où mon rôle était de créer du lien dans les équipes ». Intégrée à son entreprise sans difficultés, elle n’ignore pas quelques « remarques » qui ne lui sont pas forcément adressées. « Je me suis liée à l’un de mes collègues avec qui je m’entendais très bien. Quand il a su quelle était mon orientation sexuelle, il a complètement changé d’attitude et est simplement devenu cordial. Après ça, je me suis dit qu’il valait mieux en parler le plus tôt possible ». Après sept ans d’expérience, Julie s’est reconvertie dans le secteur environnemental et anime des fresques de sensibilisation. « J’ai voulu mettre mes compétences au profit de la transition écologique, parce que je crois en la convergence de toutes les luttes pour plus d’égalité. Ma vie personnelle est encore plus mêlée à ma vie professionnelle aujourd’hui, donc il n’y a plus vraiment de sujet ».
Ailleurs, il faudra encore beaucoup de Coming out days pour faire bouger les lignes. En 2023, le coming out public n’est pas une option envisageable dans de nombreux pays. Selon le rapport ILGA de 2020 (Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes), les relations homosexuelles sont punies par la loi dans 69 États sur 193. Dans onze d’entre eux, elles sont encore passibles de peine de mort.