Directeur de l’audit et de l’inspection du groupe Société Générale, Alexandre Maymat fait un coming out remarqué sur LinkedIn en 2022. Depuis cette date, chacun de ses déplacements professionnels est l’occasion de rappeler que le combat en faveur de la diversité et de l’inclusion est loin d’être gagné.
Par Chloé Consigny
« Je dois me battre constamment contre le sentiment que les discriminations envers les personnes LGBTQI + sont désormais derrière nous ». Depuis son coming out public très remarqué en 2022 sur LinkedIn (un millier de likes et de partages, soit un très beau score pour un banquier), Alexandre Maymat poursuit ce qu’il appelle « l’évangélisation ». Il explique : « je profite de chacun de mes déplacements en région ou à l’international pour rencontrer les réseaux pride. Si 95 % des managers sont ouverts à la diversité, rares sont celles et ceux qui mesurent réellement ce que signifie ne pas faire partie d’une majorité. C’est aussi l’occasion pour moi de faire passer d’autres messages. Par exemple, il n’est pas normal qu’une femme, atteinte d’un cancer du sein, attende un mois avant d’en parler à son manager ». L’un de ses combats se porte sur la province où les rôles modèles sont encore trop peu nombreux. « Il faut que nous enracinions les rôles modèles dans les territoires. Chaque collaborateur et chaque collaboratrice doit pouvoir avoir accès à une personne-ressource ».
Menace extérieure
Tandis que dans le sillage du trumpisme, nombre d’entreprises américaines reviennent sur leur politique de diversité, équité et inclusion (DEI), Alexandre Maymat se sent protégé à l’intérieur des murs de Société Générale. « Même avec une attention renforcée sur nos coûts, nous maintenons les budgets dédiés aux politiques Diversité, Equité & Inclusion », assure-t-il. En interne, il mesure les raisons de se réjouir : « 88% de nos collaborateurs affirment se sentir inclus et acceptés tels qu’ils sont dans l’entreprise. Le sujet DE&I est aujourd’hui davantage structuré avec un comité de pilotage mondial. ». Néanmoins, à l’extérieur du groupe, les raisons de désespérer sont nombreuses. Il cite pêle-mêle le récents discours et prises de position « décomplexées » de part et d’autre du globe et déplore que cette parole, autrefois inacceptable, « se libère à nouveau aujourd’hui ». Aux Etats-Unis d’ailleurs, les premières plaintes pour discriminations adviennent aujourd’hui de la part d’hommes blancs, hétérosexuels et cis. Dans un monde qui se polarise, Alexandre Maymat veut croire en la résilience de l’Europe. « Nous avons en matière de DE&I un cadre réglementaire européen qui nous oblige et qui ne nous permet pas de revenir en arrière. C’est vrai en matière de climat et d’environnement, mais également en matière de D&I ».
Poursuivre le combat
Il mesure aujourd’hui les bénéfices de sa visibilité. « La posture de dirigeant peut créer un fossé avec ses équipes. Faire état de ses vulnérabilités, c’est permettre à l’autre de nouer une relation plus authentique », constate-il. Autre argument de taille, la performance permise au sein de l’entreprise grâce à la présence d’équipes plurielles. « Lorsqu’il s’agit de recruter, je donne toujours le même conseil : « à compétences égales, choisissez celui ou celle qui ne vous ressemble pas, car cette personne vous permettra de vous améliorer ». Après avoir tu qui il était des années durant, il se sent aujourd’hui à sa place : « en faisant mon post LinkedIn en 2022, je me suis longuement questionné. Je ne suis pas uniquement un homosexuel, je suis d’abord une personne. Pourtant, je pense que nous avons tous et toutes un combat à mener. Le mien, c’est celui-là et je sais aujourd’hui que c’est une étiquette que je veux garder ».