Depuis quelques années, des marques grand public communiquent de façon inclusive pour toucher le plus grand nombre. Comment y parviennent-elles ? En mettant notamment en scène des personnes LGBTQI+ de façon non stéréotypée dans leurs campagnes. Précisons que les publicités incarnant les diversités impactent positivement les perceptions et les comportements des consommateur·ices et en particulier des millenials. Exemples.
Par Léa Taïeb
Moodz
En 2021, Moodz, une marque de culotte menstruelle, a proposé à ses client·e·s non binaires et trans qui ont leurs règles un boxer non genré. Pour en faire la promotion, Caroline Briant, la fondatrice de Moodz a choisi d’être accompagnée : “je suis une femme cisgenre hétérosexuelle, même si je suis sensibilisée, je ne vis pas ce que vivent les personnes trans et non binaires”. Et d’ajouter : “je ne voulais pas que l’on prenne cette initiative pour du pinkwashing”. L’entreprise a donc fait appel à Hanneli, un consultant en questions transgenres, pour former en interne sur les questions liées à l’inclusion et pour conseiller sur le plan artistique. “Il a fait en sorte que les mannequins se sentent bien lors du shooting, il a travaillé pour que l’on ne tombe pas dans l’ultra-féminisation ou l’ultra masculinisation”, rapporte la fondatrice. À travers cette campagne, la marque est l’une des premières à parler aux 20% de millenials qui ne s’épanouissent pas dans la binarité des genres. Moodz a reversé une partie de ses bénéfices et a donné des boxers à l’association Acceptess-T qui lutte contre la transphobie et la précarité des personnes transgenres.
Gillette France
En 2020, Gillette France a changé sa façon de représenter sa cible, “les hommes qui se rasent le visage”. Dans sa campagne (présente dans l’espace public et sur les réseaux sociaux), la marque se détache des stéréotypes pour montrer que les hommes qui utilisent un rasoir peuvent correspondre à une diversité de profils, à une diversité de masculinités : on peut être un homme gay (incarné par le YouTubeur Simon Vendem) ou un homme transgenre et faire appel aux produits Gillette. “Cette publicité dénonce la masculinité toxique, elle remet en cause les codes de la virilité et elle pose une question très contemporaine : qu’est-ce que ça veut dire être un homme ?”, remarque Konstantinos Eleftheriadis, consultant en diversité et inclusion et docteur en sciences sociales.
https://youtu.be/B6WX3RsCSyQ
Leboncoin
En 2020, le site de petites annonces met en scène deux femmes qui s’embrassent, qui emménagent ensemble et qui vendent leurs objets en double. Cette publicité a été diffusée sur de nombreux canaux, y compris à la télévision. Sur Twitter, un internaute félicite le site pour l’initiative, celle de montrer un couple de femmes. “Ça devrait être banal dans nos publicités mais ça ne l’est pas encore assez, alors bravo !”.
Quelles sont les coulisses de cette publicité ? “Leboncoin est une marque qui touche une personne sur deux en France. Près de 29 millions de Français chaque mois. Nos campagnes en sont forcément le reflet et s’adaptent à nos utilisateur·ices”, explique Julie Haget, directrice marque et publicité du site. Et d’ajouter : “Nous n’avons jamais briefé notre agence autour de directives sur l’orientation sexuelle dans nos publicités. Bien au contraire, nous nous calons sur la société. C’est une question qui ne se pose pas chez nous, que ce soit sur nos verticales mode, déco ou loisirs”. Pour s’adresser aux millenials, le groupe travaille sur des campagnes plus adaptées à leurs préoccupations, des campagnes qui pourraient représenter des personnes queer, par exemple.
Oréo
À l’occasion de la journée internationale du Coming-out, la marque de biscuits a réalisé un mini-film pour illustrer l’idée du coming-out en famille. Deux jeunes femmes se préparent à passer un week-end chez les parents de l’une d’elles. Le moment des présentations est venu. On ne sait pas si les deux jeunes femmes appréhendent le moment. Elles arrivent à destination. La mère est ravie de faire la connaissance de la femme qui partage la vie de sa fille. Le père est plus distant, moins expansif. Il y a une certaine gêne. Le jour d’après leur arrivée, le père, toujours aussi réservé, prouve son soutien à sa fille. Il a repeint sa clôture avec les couleurs du drapeau LGBTQI+. “Cette publicité a quelque chose d’original parce qu’elle s’intéresse de près aux parents des personnes LGBTQI+, un groupe que l’on prend peu en compte et qui est pourtant indirectement discriminé dans notre société”, analyse Konstantinos Eleftheriadis. Et d’ajouter : dans le spot, on remarque que les voisins observent le père de la jeune femme. En réaction, peut-être, le père peint un arc-en-ciel visible de tout le quartier, une façon d’assumer son soutien à sa fille et plus largement à la communauté LGBTQI+”.
https://youtu.be/EpfLklSG2dQ
Posten
En 2021, la poste nationale de Norvège a adapté sa communication à Noël et à l’amour. La publicité qui s’intitule “Quand Harry a rencontré le Père Noël” fait écho au film “Quand Harry rencontre Sally”. Chaque année, Harry croise le Père Noël. Puis, un jour, les deux se déclarent leur flamme. Une vraie comédie romantique / conte de Noël. Cette publicité célèbre aussi le 50ème anniversaire de l’abolition de la loi qui interdisait les relations homosexuelles.
Levi’s
En octobre dernier, à l’occasion de la journée internationale du coming out, Levi’s a demandé à huit personnalités européennes LGBTQI+ de raconter leur coming-out, « parce qu’apprendre, c’est aussi comprendre ». En France, Venus Liuzzo, journaliste, mannequin et cofondatrice du média XY est revenue sur cette conversation avec sa mère : « j’étais persuadée qu’elle ne se doutait de rien. Et quand je lui ai dit, elle m’a répondu ‘je sais, je ne suis pas aveugle’ ». Le militant polonais Mateusz Sulwinski se souvient de la réaction de sa famille, « qui l’a très bien pris ». Dans son témoignage, il rappelle sa chance d’être tombé dans la « bonne famille » parce qu’en Pologne, « seulement 25% des mères et 12% des pères acceptent leurs enfants queers ».